COBRA : l’enfance de l’art ou « l’art est une fête »

Même s’il n’a duré officiellement que trois ans (1948-1951), le mouvement CoBrA (Copenhague- Bruxelles-Amsterdam), constitue un des plus importants courants artistiques d’avant-garde de l’après guerre. Il a influencé de nombreuses générations d’artistes.

Ce mouvement international regroupe des peintres danois (Asger Jorn), hollandais (Appel Karel), belges (Corneille, Pierre Alechinsky) ainsi que des poètes surréalistes belges (Christian Dotremont et Joseph Noiret).

Il a libéré l’expression artistique en rompant avec l’opposition classique entre expression figurative et abstraite.

C’est un art sensible aux expressions primitives les moins contaminées par les théories, les normes ou les conventions (art naïf, l’art préhistorique, l’art populaire médiéval, les créations d’enfants ou d’handicapés mentaux, l’art brut) 

De fait, désireux de retrouver l’authenticité et de toucher la nature profonde des êtres, le mouvement CoBrA a remis spontanéité, énergie, couleurs et formes au premier plan. 

Art décomplexé, basique, presque naïf, il se veut un retour à la pureté originelle de l’art.

Tout commence par le tracé des formes qui perd vite en rationalité et en mesure. Vient ensuite la pose de couleurs vives à grands coups de pinceaux nerveux et brutaux, générée par l’action physique pulsionnelle et irréfléchie du peintre.  Les formes, rendues autonomes, sont littéralement embrasées par les couleurs.

Une fois réalisées, les œuvres paraissent :

  • barbares, car « elles s’adressent à une époque barbare » selon Karel Appel,
  • ou enfantines, car elles sont en quête de l’enfance de l’art.

Cette démarche, axée sur l’expérimentation, la création spontanée, la libération des formes et des couleurs, vise à retrouver une forme d’expression universelle.

L’art n’étant plus affaire de techniciens, de professionnels, de hiérarchies ou de complexes « artistiques », il redevient à la portée de tous.

En pratique, les artistes du mouvement CoBrA s’avèreront de prodigieux artistes développant un langage expérimental expressif hors norme. Ils utiliseront aussi bien le dessin, la sculpture, le bois, la terre, le métal, les mots, les sons ou l’écriture.

Ce retour à un art plus audacieux, moins réfléchi et ludique, comme si l’art était une fête, s’avère profondément libérateur. Débarrassé des complexes, des jugements et des conventions, cette forme d’art pur libère les énergies créatrices venant de notre nature profonde et contribue à l’épanouissement de l’être.

« Retourner à l’enfance de l’art en retrouvant son âme d’enfant« , tel est le message intemporel véhiculé par le manifeste CoBrA.

A un moment où certains redoutent la fin de l’art comme « puissance esthétique améliorant l’âme humaine » au profit d’un art spectacle décoratif visant à choquer ou impressionner, cette approche originelle est plus que jamais d’actualité.

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