GRANDES ESCROQUERIES DU XXe siècle : l’incroyable histoire de Charles PONZI

Emblème de l’enrichissement rapide des années folles, Carlo dit Charles Ponzi, va mettre au point un schéma d’escroquerie au ressort et à l’envergure inédits dans l’histoire de la finance.

Les débuts

Né en 1882 dans une famille bourgeoise désargentée de Parme, Carlo PONZI porte très tôt tous les espoirs d’une famille nostalgique de son aisance et de son prestige passé.

En grandissant, il multiplie les petits larcins…

Employé comme commis à la poste, il réussit à entrer à la prestigieuse université de Rome, la Sapienza, mais abandonne au bout de quatre années sans le moindre diplôme, faute d’argent.

Avec l’assentiment familial, il émigre comme nombre de ses compatriotes à Boston aux Etats-Unis. Nous sommes en novembre 1903.  Il débarque avec « 2,50 $ en poche, après avoir perdu toutes ses économies au jeu durant la traversée, mais avec un million de dollars d’espoir dans le cœur ». À Boston, il occupe différents emplois, dont celui de serveur dans un restaurant d’où il est congédié pour vol. 

Multipliant les tentatives pour se stabiliser, il apprend qu’un de ses compatriotes, Luigi Zarossi, après avoir prospéré dans le commerce de cigares, a créé une banque à Montréal pour gérer les économies des immigrants italiens. En juillet 1907, il s’y rend avec 1$ en poche et réussit à être embauché comme employé, se faisant passer pour le membre d’une riche famille italienne fictive, les Bianchi.

Bien que de taille modeste (1,55m), il est souriant, séducteur , très charismatique, vif et doué pour les chiffres. Il franchit rapidement les échelons jusqu’à devenir directeur de la banque.

La banque Zarossi connaît un grand succès, car elle rémunère les dépôts des épargnants à un taux deux fois plus élevé que celui en vigueur (6% au lieu de 3%). Ponzi découvre rapidement que Zarossi puise dans l’épargne des nouveaux épargnants pour régler les anciens, selon le schéma « déshabiller Pierre pour habiller Paul« , futur « schéma Ponzi ».

De plus ne plus de déposants étant pris de doutes, Zarossi s’enfuit au Mexique avec une partie de l’argent de la banque. Ponzi n’est pas inquiété, mais se retrouve sans emploi.

Dans les années qui suivent, Ponzi va commettre différents délits (vols, faux et encaissement de chèque, passeur d’immigrants italiens) qui lui vaudront trois ans et demi de prison.

En 1918, il rencontre une jeune immigrante italienne, Rose, avec laquelle il se marie et à laquelle il jure de donner la plus belle vie qui soit.  » La plus belle femme du monde. Tout ce que je fais dans l’existence, c’est pour elle. Elle n’est pas seulement mon bras droit, mais aussi mon cœur « , déclarera-t-il au New York Times le 29 juillet 1920. 

Il multiplie sans succès les activités: commerce de détail avec sa belle-famille, vente de publicité puis bureau d’import-export.


La pyramide de Ponzi

En août 1919, il reçoit une lettre d’une entreprise espagnole contenant un coupon-réponse international (IRC). Il se rend vite compte que le prix du coupon en monnaie espagnole ne représente qu’un sixième de la valeur des timbres-poste américains pour lequel il peut être échangé aux États-Unis. 

En effet, ce système promu par l’Union Postale Universelle comportait des modalités d’échange fixées en 1906 qui n’avaient pas été actualisées en fonction de l’évolution des taux de change.La Première Guerre mondiale ayant entrainé une forte dépréciation de la peseta espagnole ou de la lire italienne contre le dollar, l’opportunité d’arbitrage s’annonçait très lucrative.

Ponzi se met à acheter en Italie par l’intermédiaire d’agents locaux des coupons-réponse postaux et à les convertir. Il gagne bien sa vie.

Pour exploiter cette opportunité à plus grande échelle, il crée en janvier 1920 la Security and Exchange Commission (SEC). Il fait circuler dans la communauté d’immigrés de Boston une proposition de rendement de 40% en 90 jours. Commençant doucement en janvier 1920, le mois suivant il s’agit d’un véritable raz de marée. Il recrute employés et agents et porte la rémunération à 50% sur 45 jours et 100% sur 90 jours.

Ponzi va vite se rendre compte que l’opération s’avère plus contraignante et coûteuse en pratique qu’en théorie:

  • Effectuer les transactions à l’étranger, transporter de nombreux coupons de faible valeur unitaire et les échanger contre de l’argent entraînent des retards empêchant de payer les investisseurs dans les temps impartis et des coûts supplémentaires annulant la marge;
  • A très grande échelle, il y a même impossibilité logistique et financière :
    • pour les 18 investisseurs de janvier 1920 ayant investi 1 800 $, il aurait fallu 53 000 coupons postaux. Pour les 15 000 investisseurs suivants, les cales de paquebots tels que le Titanic n’y auraient pas suffi pour expédier les coupons d’Europe vers les États-Unis.
    • une forte demande pour les coupons aurait attiré l’attention des autorités postales qui auraient corrigé les anomalies en fonction de l’évolution récente des monnaies entre elles.

S’apercevant que les investisseurs ne demandent plus les intérêts et réinvestissent automatiquement leurs gains potentiels, sollicité par de multiples investisseurs enthousiastes, Ponzi s’engage dans une fuite en avant.

Il prend les fonds et paye les investisseurs qui souhaitent réaliser leurs gains avec une partie des nouveaux fonds, n’oubliant pas d’en empocher une grande partie pour lui-même.

Selon le schéma retenu (rendement et durée d’investissement), il faut trouver toujours plus d’épargnants pour respecter les promesses faites aux précédents épargnants (une pyramide de Ponzi). Si l’accroissement des nouveaux épargnants n’est pas suffisant, la pyramide s’écroule. 

Son style de vie devient alors très luxueux : il  achète un hôtel particulier à Lexington, une Locomobile, fait venir sa mère d’Italie en première classe sur un paquebot de luxe. Il sponsorise des artistes, fait de nombreux dons, achète des sociétés viticoles ou alimentaires…

Ses premiers investisseurs ayant réalisé leur investissement et gagné beaucoup d’argent, cela se répand comme une traînée de poudre. L’opération de Ponzi va s’étendre à la Nouvelle-Angleterre, à New York et au New Jersey.

La collecte devient exponentielle: un million de dollars par semaine début juillet 1920 puis par jour fin juillet 1920. Ponzi dépose l’argent dans une caisse d’épargne mutuelle, la Hanover Trust company, dont il devient le principal déposant et actionnaire.

Charmeur, charmant, Charles Ponzi peaufine son image, portant des costumes sur mesure, un chapeau, des gants, une canne à pommeau doré. Il s’invente une légende disant être né dans une famille de la bonne bourgeoisie italienne.  » Je vais être franc avec vous, j’étais ce qu’on appelle un fils prodigue. Dépenser de l’argent me paraissait la chose la plus intéressante à faire sur terre.  » déclare-t-il.

Le New York Times le crédite d’une fortune estimée à 8 millions de dollars en juillet 1920. Pour tous, il avait trouvé la faille dans le mur de l’argent et incarnait le rêve américain.


La chute

La suspicion s’empare des fonctionnaires de l’État du Massachusetts et des journaux locaux, tels le Boston Post qui demande à Clémence Barron qui dirige le Dow Jones & Company d’examiner le stratagème de Ponzi.

Dans un article paru le 26 juillet 1920 dans le Boston Post, Barron fait remarquer que:

  • Ponzi  n’investit pas dans sa propre société mais dans des placements traditionnels, ce qui est intrigant;
  • pour couvrir les investissements effectués par la SEC, il faudrait 160 millions de coupons-réponse postaux alors que seulement 27 000 sont en circulation. La poste américaine déclare par ailleurs que les coupons-réponse postaux ne sont pas achetés en quantité que ce soit aux Etats Unis ou à l’étranger; 
  • même si l’opération de Ponzi était légitime, elle serait immorale profitant des incorrections du système aux dépens du gouvernement américain.

Un mouvement de panique s’ensuit poussant Ponzi à verser 2 millions de dollars en trois jours à une foule enragée qui fait le siège de son bureau.

Alerté, le procureur des États-Unis pour le Massachusetts ordonne la vérification des livres des comptes de la SEC par un expert financier, M. Pride.

Le 2 août 1920, le Boston Post déclare que Ponzi est insolvable et est fortement endetté (environ 4,5 millions de dollars).

La publication de l’article donne lieu à une nouvelle panique des épargnants, Ponzi assumant les paiements en une journée. Il décide alors d’accélérer ses plans pour construire un énorme conglomérat bancaire et d’import/ export.

Le commissaire de la banque du Massachusetts est informé par deux de ses examinateurs qu’un nombre important d’investisseurs encaissent leurs chèques sur le compte principal de Ponzi à la Hanover Trust company qui est à la limite du découvert. Il ordonne à la banque de ne plus encaisser de chèques sur le compte principal de Ponzi.

Le 10 aout, Ponzi reçoit un extrait de l’audit de Price indiquant qu’il a découvert 7 millions de dollars de dettes.

Le 11 août, tout s’écroule.

Le Boston Post publie un article en première page sur ses activités passées à Montréal,  sa condamnation pour contrefaçon et son rôle à la banque Zarossi. Dans l’après-midi, le commissaire à la banque fait fermer la Hanover Trust company pour empêcher Ponzi de prélever des fonds dans les coffres de la banque.

Le 12 août au matin,  Ponzi se rend aux autorités fédérales et accepte les chiffres de Pride. Accusé de fraude postale et de vol, il est maintenu en prison.

En plus de la Hanover trust, 5 banques de Boston feront faillite. Les investisseurs de Ponzi perdront environ 70% de leur mise initiale ou 20 millions de dollars ou 275 millions en dollars de 2017.

Accusé de 86 chefs de fraude postale, il est condamné à cinq ans de prison fédérale. Relâché après trois ans et demi, il est immédiatement remis en accusation de 22 chefs d’accusations de larcin et est condamné à sept ans de prison supplémentaires en tant que « voleur ordinaire et notoire ».  

Libéré un temps sous caution, il disparaît et se réfugie dans le quartier de Springfield à Jacksonville. Il lance alors le Charpon Land Syndicate offrant aux investisseurs en septembre 1925 de minuscules étendues de terres promettant des rendements de 200% en 60 jours. Vendant des marais, il est arrêté et condamné à un an de prison dans l’État de Floride. Libéré sous caution, il tente à nouveau de fuir le pays mais il est attrapé et renvoyé dans le Massachusetts pour y purger sa peine d’emprisonnement pour vol.

Après sept ans de prison et avant d’être expulsé en 1934 en Italie, il déclare aux journalistes: « Je suis parti à la recherche de problèmes et je les ai trouvés. »


Le 7 octobre, Ponzi est officiellement déporté. Sa femme restée sur place divorcera en 1937. En Italie, Ponzi saute d’un plan à l’autre. Il organise plusieurs escroqueries à petite échelle. Benito Mussolini lui offre un poste à la section financière du gouvernement italien. Il continue à exercer des activités illégales et parvient à extorquer un important montant au Trésor italien.

En 1944, Ponzi s’enfuit au Brésil et trouve un emploi en tant qu’agent de la compagnie aérienne italienne, Alitalia. Il rédige ses mémoires en 1936 et passe ses dernières années dans la pauvreté, décédant en janvier 1949 dans un hôpital de charité de Rio de Janeiro.

Lors de sa dernière interview à un journaliste américain, Ponzi déclarera : « Même s’ils ont tout perdu, c’était encore bon marché. Je leur ai donné le meilleur spectacle depuis l’arrivée des premiers colons britanniques, les pères pèlerins fondateurs, sur le territoire américain! Cela valait bien quinze millions de dollars pour prendre part à un tel spectacle ».

Aller plus loin:

Charles PONZI, The Rise of Mr Ponzi ,

Un commentaire

  1. Le système capitaliste global est une immense pyramide de Ponzi puisque lui aussi fonctionne sur le principe d’une croissance continue et ininterrompue. Ce qui est illégal à petite échelle est la norme à grande échelle.

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