CARNAVAL DE VENISE : son histoire et ses traditions

Le carnaval de Venise  est une fête traditionnelle italienne qui remonte au Moyen Âge. Il débute dix jours avant le Mercredi des Cendres et se termine à Mardi gras.

Ses origines

Dès le Xe siècle, sont attestés des spectacles publics précédant les mortifications du carême. En 1094, le carnaval est mentionné pour la première fois dans un édit du premier doge de Venise. Il s’agissait alors d’un rituel destiné à renforcer la cohésion civique et politique de la commune constituée à cette époque de quartiers à l’identité forte. L’aristocratie vénitienne prit progressivement le contrôle de l’organisation du carnaval tout en veillant à associer le peuple à certains jeux publics (la pyramide humaine dite « Forces d’Hercule », la chasse aux taureaux au XVIe siècle débouchant sur une mise à mort et une distribution de la viande), les Épousailles du Doge avec la mer, la Fête des Maries remplacée puis le Jeudi Gras et ses sacrifices du taureau et de porcs).

Outre une vocation civique, le carnaval permettait d’abolir les contraintes sociales. Le riche pouvait se faire passer pour un pauvre et inversement. Le port du costume autorisait une liberté impossible le restant de l’année. L’incognito procuré par les masques apparus dès le XIIIe siècle.

Différentes formes de transgression devinrent alors possible le temps du carnaval. Le « mattacino » consistait, déguisé en clown, à lancer des œufs remplis de parfum d’eau de rose sur les belles dames et des œufs pourris sur celles moins avenantes. Un temps, le passage des femmes fût protégé par des filets.

Institutionnalisé et « codifié » à la Renaissance, le carnaval est entré à l’opéra à partir du XVIe siècle, essentiellement à destination d’un public d’aristocrates.

Au XVIIe siècle, dans la Venise baroque, le carnaval durait dix jours, pendant lesquels les habitants épuisaient leur appétit de fête et de débauche avant le Carême. Son mythe s’est répandu dans toute l’Europe au XVIIIe siècle (oeuvres de Canaletto, Francesco Guardi, Giandomenico Tiepolo et Pietro Longhi).

D’abord célébré entre l’Épiphanie et le Carême, il va durer plusieurs mois de l’année, en hiver, en mai-juin et en automne; jusqu’à six mois dans l’année ! Démesuré, il visait à masquer le déclin commercial et politique de Venise.

Avec l’arrivée des troupes de Napoléon Bonaparte, cette tradition fut interdite pour empêcher les troubles, puis réhabilitée par les Autrichiens. Au XIXè siècle, le carnaval s’est embourgeoisé et a disparu dans les années 1970. A l’initiative d’associations de citoyens, de la municipalité de Venise, de La Fenice et de la Biennale de Venise, il fut relancé en 1979, prenant une tournure touristique et revêtant un enjeu économique important.
Quels sont les costumes et les masques traditionnels ?

Garantissant l’anonymat, les masques et costumes permettent de changer vis à vis de l’extérieur de classe sociale, de sexe ou de religion. Cela va néanmoins au delà d’endosser un costume. Il s’agit d’un état d’esprit nécessitant de créer un personnage et de le jouer.

Les costumes inspirés de la Commedia dell’arte sont très élaborés.

Le plus ancien est celui d’Arlequin aux origines médiévales. Le costume est composé d’un masque noir et d’un tenue à losanges multicolores. D’origine lombarde, il a un caractère paresseux, rusé et gourmand. 

Colombine est le double féminin d’Arlequin. Elle ne porte normalement pas de masque et est vêtue de la version féminine du costume à losanges colorés. 

Polichinelle est entièrement habillé de blanc avec un chapeau en forme de cône tronqué, un masque au nez crochu, un gros ventre, une bosse et des verrues sur le front. C’est un paysan pas malin à la voix d’oiseau. 

Le médecin est vêtu d’une longue robe noire et d’un masque au nez crochu. Inventé pour se protéger de l’épidémie de la peste, son long nez artificiel était fourré d’ herbes aromatiques censées éloigner la maladie. Grand ignorant qui se cache derrière un gros ventre, il a  quelques connaissances de latin censées le faire paraitre intelligent.

Les autres déguisements traditionnels sont:

La bauta, l’un des costumes les plus courants, composé d’une grande cape noire (le tabarro), d’un couvre-chef en drap noir, d’un tricorne et d’un masque de céruse blanc à la forme permettant de boire et de manger.Très utilisé, il était aussi utilisé lors de sorties discrètes et symbolise les débauches et les audaces du carnaval.

La gnaga est composée de vêtements féminins et d’un masque de chat. Il porte un panier à son bras contenant un chaton et émet des sons stridents, miaule et est moqueur.

La moretta se compose d’un petit masque de velours noir et d’un chapeau délicat. Maintenu par les dents grâce à un bouton, porté à l’origine en France par les femmes lorsqu’elles rendaient visite aux nonnes, le masque est peu pratique. 

Permettant de transgresser les règles sans être reconnu, le masque fut interdit au XIVe siècle la nuit et dans les endroits religieux pour assurer la morale et les bonnes mœurs. À partir de 1776, il était interdit dans les maisons de jeux, les femmes devaient porter le taborro, le volto ou encore la bauta pour aller au théâtre. Depuis des limitations et des interdictions ont été prises.
Quelles sont les temps forts du festival actuel ?

« Le vol de l’ange » ou  » vol du turc » ouvre le carnaval, le premier dimanche du carnaval. Remontant au milieu du XVIe siècle, il consistait alors en un vol d’un invité secret de la ville qui se lançait du haut du clocher de San Marco jusqu’au centre de la place.  A l’origine, il s’agissait d’un un funambule turc qui rejoignait le campanile en équilibre. Après une chute mortelle en 1759, il fut remplacé par une grande colombe en bois libérant des fleurs et des confetti dans la foule. Depuis 2001, ce sont des jeunes filles qui se lancent du haut du campanile, tenues par un filin pour rejoindre leur amoureux sur la Piazzetta. Jusqu’en 2010, des célébrités (Federica Pellegrini en 2007) assuraient ce vol de l’ange. Depuis 2011, on choisit la « Marie » de l’année précédente.

« La Fête des Maries » se tient le premier samedi du carnaval et fait référence à une cérémonie du XIIè siècle. Douze des plus belles femmes de Venise, les douze Maries, partent de San Pietro Castello et se rendent Piazza San Marco, en cortège de bateaux sur les canaux accompagnées  de demoiselles d’honneur, de musiciens et  d’autres personnes en costume d’époque. À la fin du défilé, la plus belle des Marie est élue et reçoit le titre de Marie de l’année qui effectuera le vol de l’ange l’année suivante.

Devenu une attraction touristique majeure de la ville de Venise, le carnaval a perdu sa vocation à unifier les quartiers de la ville, et à transgresser les codes sociaux. Il n’en reste pas moins un évènement culturel important à Venise.

Citation sur Venise :

“Venise se noie, c’est ce qui pouvait lui arriver de plus beau.”

Paul Morand

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