FABLES DE LA FONTAINE : MORALES (II/V)

Les « Fables choisies, mises en vers par M. de La Fontaine » sont trois recueils de deux cent quarante trois fables allégoriques de Jean de La Fontaine publiées entre 1668 et 1694. Inspirées de fables d’Ésope, Babrius et Phèdre, elles mettent en scène des animaux anthropomorphes et finissent ou commencent par une morale.

L’auteur y invente un genre où le style et l’esprit plus que le propos se veulent didactiques. Modèle du français classique, ces fables sont utilisées dès le début du XVIIIe siècle comme support d’enseignement par les enseignants et les précepteurs familiaux, puis deviennent sous la Troisième République et jusque dans les années 1950 un incontournable de l’école primaire.

Nous avons extrait la morale de ces fables, qui, relatives au comportement et au caractère de l’être humain, ont conservé une valeur quasi intemporelle.

Il s’agit néanmoins d’un encouragement à lire ou relire une ou plusieurs fables dans leur intégralité, car comme le dit La Fontaine dans « Le Pâtre et le Lion » :  » Une Morale nue apporte de l’ennui ; le Conte fait passer le précepte avec lui ».

Suivent ci-dessous les morales (II/V) :

Corbeau (le), la Gazelle, la Tortue et le Rat (XII, 15) Fable adressée à Mme de La Sablière…
A qui donner le prix ? 
Au cœur si l’on m’en croit.
Corbeau (le) voulant imiter l’Aigle (II, 16) Il faut se mesurer; la conséquence est nette:
Mal prend aux volereaux de faire les voleurs. 
L’exemple est un dangereux leurre. 
Où la guêpe a passé, le moucheron demeure.
(Les lois sont comparées à des toiles d’araignées, qui n’arrêtent que les moucherons et sont crevées par les grosses mouches)
Cour (la) du Lion (VII, 7) Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire, 
Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère; 
Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.
Curé (le) et le Mort (VII, 11) Proprement toute notre vie est le curé Chouart, qui sur son mort comptait, 
Et la fable du Pot au Lait 
(nous passons notre vie à rêver, à imaginer… Perrette attire la sympathie, Jean Chouart aucune.)
Cygne (le) et le Cuisinier (III, 12) Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe,
Le doux parler ne nuit de rien. (1)
  (1) en rien
Daphnis et Alcimadure (XII, 24) La Fontaine veut aider Mme de La Mésangère, fille de Mme de La Sablière à vaincre ses résistances à un second mariage… Il est exaucé puisqu’elle épouse contre le gré de sa mère et des siens, le comte Nocé de Fontenay le 7 mai 1690; 
Ah ! Le « pouvoir des fables » !
Démocrite et les Abdéritains (VIII, 26) Dans cette fable, La Fontaine écrit : 
Que j’ai toujours haï les pensers du vulgaire

Il va à l’encontre du proverbe : »Vox populi, vox Dei » (la voix du peuple est la voix de Dieu)

Le peuple est juge récusable
Dépositaire (le) infidèle (IX, 1) Quand l’absurde est outré, l’on lui fait trop d’honneur 
De vouloir par raison combattre son erreur: 
Enchérir est plus court, sans s’échauffer la bile.
Deux (les) Amis (VIII, 11) Qu’un ami véritable est une douce chose ! 
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ; 
Il vous épargne la pudeur 
De les lui découvrir vous-même. 
Un songe, un rien, tout lui fait peur 
Quand il s’agit de ce qu’il aime.
Deux (les) Aventuriers et le Talisman (X, 13) Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire
………………………………………………………………
Fortune aveugle suit aveugle hardiesse. 
Le sage quelquefois fait bien d’exécuter, 
Avant que de donner le temps à la sagesse 
D’envisager le fait, et sans la consulter.
Deux (les) Chèvres (XII, 4) Faute de reculer, leur chute fut commune ; 
Toutes deux tombèrent dans l’eau. 
Cet accident n’est pas nouveau 
Dans le chemin de la Fortune
Deux (les) Chiens et I’Ane mort (VIII, 25) Les vertus devraient être sœurs 
Ainsi que les vices sont frères. 
Dès que l’un de ceux-ci s’empare de nos coeurs, 
Tous viennent à la file, il ne s’en manque guères
………………………………………………………………………   
Tout cela, c’est la mer à boire ; 
Mais rien à l’homme ne suffit.
Deux (les) Coqs (VII, 13) La fortune se plaît à faire de ces coups ;
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille. 
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous, 
Après le gain d’une bataille.
Deux (les) Mulets (I, 4) Il n’est pas toujours bon d’avoir un haut Emploi
Deux (les) Perroquets, le Roi et son Fils (X,11) L’absence est aussi bien un remède à la haine 
Qu’un appareil contre l’amour.
Deux (les) Pigeons (IX, 2) ………………………, cet âge est sans pitié,
……………………………………………… 
L’absence est le plus grand des maux :
……………………………………………………. 
Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? 
Que ce soit aux rives prochaines ; 
Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau, 
Toujours divers, toujours nouveau ; 
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste
……………………………………………………
Ai-je passé le temps d’aimer ?
Deux (les) Rats, le Renard et l’Oeuf (IX) (Discours à Madame de La Sablière) Pas de morale, mais les comportements des animaux décrits dans ce texte vont à l’encontre de la théorie des « animaux-machines » que La Fontaine réfute.
Deux (les) Taureaux et une Grenouille (lI, 4) Hélas ! On voit que de tout temps
Les petits ont pâti des sottises des grands.
Devineresses (les) (VII, 15) C’est souvent du hasard que naît l’opinion ; 
Et c’est l’opinion qui fait toujours la vogue.
Dieux (les) voulant instruire un fils de Jupiter (XI, 2)  ……………………………….
de quoi ne vient à bout

L’esprit joint au désir de plaire ?

Discorde (la) (VI, 20) L’auberge enfin de l’Hyménée 
Lui fut pour maison assignée.
Discours à Madame de La Sablière (IX) Pas de morale, mais les comportements des animaux décrits dans les textes vont à  l’encontre de la théorie des « animaux-machines » que La Fontaine réfute.
Discours à Monsieur le duc de La Rochefoucauld (X, 14) Le moins de gens qu’on peut à l’entour du gâteau, 
C’est le droit du jeu (1), c’est l’affaire.
(1) c’est la règle du jeu
Dragon (le) à plusieurs têtes et le Dragon à plusieurs queues (I, 12) Colbert, sans porter le titre de premier ministre, gouverne avec un autoritarisme intransigeant. En 1663, nul ne se méprenait sur la tête qui entraînait le conseil et le roi lui-même. La leçon, dès lors, est claire. Les événements de politique extérieure  servent d’exemple et d’illustration pour l’ « hydre  » qui menace la France. »
Ecolier (I’), le Pédant, et le Maître d’un jardin (IX, 5) Au XVIIème, le Pédant est le maître d’école.
Je hais les pièces d’éloquence 
Hors de leur place, et qui n’ont point de fin ; 
Et ne sais bête au monde pire 
Que l’Ecolier, si ce n’est le Pédant.
Ecrevisse (I’) et la Fille (Xll, 10) Les sages quelquefois, ainsi que l’Ecrevisse, 
Marchent à reculons, tournent le dos au port. 
C’est l’art des matelots : c’est aussi l’artifice 
De ceux qui, pour couvrir quelque puissant effort, 
Envisagent un point directement contraire.
Education (I’) (VIII, 24) On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père : 
Le peu de soin, le temps, tout fait qu’on dégénère. 
Faute de cultiver la nature et ses dons, 
Ô combien de Césars deviendront Laridons !
Eléphant (I’) et le Singe de Jupiter (XII,21) Les petits et les grands sont égaux à leurs yeux (aux yeux des Dieux)
Enfant (l’) et le Maître d’école (I, 19) (fable à rapprocher de « l’Ecolier, le Pédant et le Maître d’un jardin ») 
En toute affaire ils ne font que songer 
Aux moyens d’exercer leur langue.
Enfouisseur (l’) et son compère (X, 4) Il n’est pas malaisé de tromper un trompeur
Faucon (le) et le Chapon (VIII, 21) Une traîtresse voix bien souvent vous appelle ; 
Ne vous pressez donc nullement
Femme (la) noyée (III, 16) Illustration de : rien ne peut changer un caractère ou un tempérament
Femmes (les) et le Secret (VIII, 6) Rien ne pèse tant qu’un secret ; 
Le porter loin est difficile aux dames 
Et je sais même sur ce fait 
Bon nombre d’hommes qui sont femmes.
Fermier (le), le Chien, et le Renard (Xl,3) Toi donc, qui que tu sois, ô père de famille 
(Et je ne t’ai jamais envié cet honneur), 
Couche-toi le dernier, et vois fermer ta porte. 
Que si quelque affaire t’importe, 
Ne la fais point par procureur.
Fille (la) (VII, 5) Même morale que celle de la fable « Le héron » (fables doubles)
Forêt (la) et le Bûcheron (XII, 16) Voilà le train du monde et de ses sectateurs. 
On s’y sert du bienfait contre les bienfaiteurs. 
Je suis las d’en parler ; mais que de doux ombrage 
Soient exposés à ces outrages, 
Qui ne se plaindrait là-dessus ! 
Hélas ! j’ai beau crier et me rendre incommode : 
L’ingratitude et les abus 
N’en seront pas moins à la mode.
Fortune (la) et le Jeune Enfant (V, 11) Est-on sot, étourdi, prend-on mal ses mesures ; 
On pense en être quitte en accusant son sort. 
Bref la Fortune a toujours tort.
Fou (un) et un Sage (XII, 22) Cette fable aurait été « faite contre le sieur abbé Du Plessis, une espèce de fou sérieux, qui s’était mis sur le pied de censurer à la cour les ecclésiastiques et même les évêques, et que M. l’archevêque de Reims fit bien châtier. » « , selon une note manuscrite découverte par Walckenaer.
Fou (le) qui vend la sagesse (IX, 8) Jamais auprès des fous ne te mets à portée: 
Je ne te puis donner un plus sage conseil 
Il n’est enseignement pareil 
A celui-là de fuir une tête éventée.
Frelons (les) et les Mouches à miel (I, 21) A l’œuvre on connait l’artisan
Geai (le) paré des plumes du Paon (IV, 9) Il est assez de geais à deux pieds comme lui, 
Qui se parent souvent des dépouilles d’autrui.
Génisse (la), la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion (1, 6) Illustration de la loi du plus fort
Gland (le) et la Citrouille (IX, 4) Dieu fait bien ce qu’il fait. 
Sans en chercher la preuve 
En tout cet univers, et l’aller parcourant, 
Dans les citrouilles je la trouve.
Goutte (la) et l’Araignée (III, 8) Ce texte est plutôt un conte qu’une fable
Grenouille (la) et le Rat (IV, 11) La ruse la mieux ourdie 
Peut nuire à son inventeur ; 
Et souvent la perfidie

Retourne sur son auteur.

Grenouille (la) qui se veut faire aussi grosse que le Boeuf (I, 3) Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs 
Tout petit Prince a des Ambassadeurs,
Tout Marquis veut avoir des Pages.
Grenouilles (les) qui demandent un Roi (III, 4) De celui-ci contentez-vous 
De peur d’en rencontrer un pire
Héron (le) (VIl, 4) Ne soyons pas si difficiles :
Les plus accommodants, ce sont les plus habiles : 
On hasarde de perdre en voulant trop gagner. 
Gardez-vous de rien dédaigner, 
Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
   
 

Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres 

Et ne croyons le mal que quand il est venu.

Hirondelle (I’) et les Petits Oiseaux (1, 8)

Leave a Reply