ART AFRICAIN CONTEMPORAIN : un art original et authentique

L’art africain est généralement cantonné à sa seule composante «art premier». Les curateurs font dialoguer les artistes occidentaux modernes ou contemporains avec des statues ou des reliquaires, mais rarement avec des artistes africains…
 
C’est un peu comme si on ne reconnaissait aux artistes africains contemporains aucune qualité, influence ou valeur sur un marché de l’art contemporain hautement stratégique sur le plan financier et culturel.
 
Pourtant, dès les années 1930, les pénétrations des techniques et des modèles européens dans les arts plastiques africains suscitèrent un premier éveil autochtone (ce qu’on appellera « l’art indigène »…).
En 1951, Pierre Lods créa un atelier de peinture à Brazzaville, n’imposant aucune règle artistique à ses élèves, les laissant donner libre cours à leur créativité, leur spontanéité et la figuration de leur tradition. L’école de Poto Poto, une des premières écoles artistiques du continent africain, était née. Le style Miké (personnages élancés, colorés) va rapidement se diffuser à toute l’Afrique.
 
Suite à l’indépendance du Congo en 1960, Pierre Lods est appelé par le président Senghor pour créer au côté d’Ida Ndiaye (un des premiers grands artistes africains modernes reconnu pour sa série de Tabaskis) ce qu’on appellera l’école de Dakar.
Chaque élève, initié aux dernières techniques artistiques occidentales, est encouragé à explorer des voies nouvelles sur de nouveaux supports peu utilisés jusque là car, trop onéreux.
Les élèves d’Iba Ndiaye vont s’engager dans l’art conceptuel ou abstrait, ceux de Pierre Lods, vont se concentrer sur l’expression plastique de leurs traditions chères au poète et chantre de la négritude, Léopold Sédar Senghor.
Ces artistes modernes, Amadou Ba, Amadou Seck, Diatta Seck, Chérif Thiam, Philippe Sène… encensés par Picasso, Soulages ou Chagall lors de leur venue à Dakar pour leurs expositions au Musée Dynamique, font partie des pionniers de l’art moderne africain, soutenus par un président amoureux des arts et de la culture (30 % du budget de l’État sera consacrés?aux arts par L.Senghor, du jamais vu!).
 
Collectionner les œuvres d’art étant peu pratiqué, les structures de promotion et les musées disposant de peu de moyens, le statut d’artiste s’avère particulièrement difficile en Afrique.
Quelques individualités, soutenues par un cercle réduit de mécènes, ont néanmoins émergé : les sénégalais Ousmane Sow et Amadou Seck, le ghanéen El Anatsui, le congolais Chéri Samba, le photographe malien Malick Sdibé, le peintre marocain des équidés Hassan El Glaoui, la potière casamançaise Seni Camara, les sud-africains Irma Stern et William Kentridge, l’éthio-américaine Julie Mehretu…
Différentes initiatives individuelles, telles les Fondations Pigozzi, Zinsu ou Blachère, accumulent les œuvres par centaines à bas prix en vue d’être valorisées ultérieurement.
 
Depuis peu, force est de constater que le marché de l’art africain contemporain connaît un frémissement médiatique important ainsi qu’un début de structuration.
Il est vrai que l’art africain contemporain est un art original et authentique par ses formes, ses choix de couleurs et de matières et ses inspirations à la fois traditionnelles et actuelles.
 
De ces oeuvres, se dégage beaucoup de vitalité, d’humanité, de rythme et de force.
Peu sensible aux effets de mode, aux inclinaisons décoratives et mercantiles d’un art occidental qui se cherche, il revivifie, renouvelle l’art contemporain.
 
Depuis 2013, une foire d’art africain contemporain appelée «1: 54 »(1 continent, 54 pays) organisée à l’origine à Londres comporte une édition américaine à New York et  une extension marocaine à Marrakech. La première édition de sa concurrente française AKAA (« Also Known As Africa ») a eu lieu fin 2016. L’Afrique du Sud est très active avec le FNB Joburg Art Fair et le Cape Town Art Fair.
Un «Africa Art Market Report» est publié depuis 2015, compilant les ventes réalisées aux enchères par les artistes africains contemporains, une minorité. Il fait apparaître une sous valorisation et, à l’exception notable de l’Afrique du Sud, une animation limitée à quelques artistes emblématiques et à quelques collectionneurs, essentiellement occidentaux. 
 
Le continent africain étant en croissance, les œuvres étant de grande qualité, quelques collectionneurs locaux faisant leur apparition, le marché de l’art africain moderne et contemporain est appelé à moyen terme à prendre son essor.
 
Espérons qu’après avoir été longtemps nié, il échappera à la fièvre spéculative qu’a pu connaître d’autres marchés d’art contemporain, et se développera sur la durée dans une logique de réappropriation par les acteurs et les collectionneurs locaux de leur patrimoine culturel et artistique.

Citation sur l’art :

L’art, je l’avais en moi dès ma naissance.

Amadou Seck

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