TIRER LES MARRONS DU FEU

L’expression Tirer les marrons du feu a connu avec le temps un changement de sens, le sens initial « faire quelque chose de difficile et de risqué pour le compte ou le profit d’autrui » évoluant vers « tirer pour soi même un avantage », ramenant le sujet de l’action et le bénéficiaire à une seule personne.

Signification :

  • faire courir à autrui un risque dont on tire seul le profit;
  • se donner de la peine pour le seul profit d’autrui entreprendre quelque chose de risqué ou dangereux pour le profit de quelqu’un d’autre;
  • tirer avantage d’une situation pour soi-même ; tirer profit d’une situation donnée ; être celui qui tire profit de la situation; s’en attribuer le mérite.

Origine et changement de sens :

Cette expression est citée sous la forme ‘tirer les marrons du feu avec la patte du chat‘ dans un texte de Jean Boucher de 1612, ou dans les Curiositez françoises de 1640 par Oudin : « tirer les Marrons du feu avec la patte du chat : se tirer d’un danger où d’un dommage par le moyen d’une autre personne. » 

Elle a été popularisée par Jean de la Fontaine dans sa fable « Le singe et le chat ».

« … Bertrand [le singe] dit à Raton [le chat] : Frère, il faut aujourd’hui / Que tu fasses un coup de maître / Tire-moi ces marrons. Si Dieu m’avait fait naître / Propre à tirer marrons du feu, / Certes marrons verraient beau jeu. / Aussitôt fait que dit : Raton avec sa patte, / D’une manière délicate, / Écarte un peu la cendre, et retire les doigts, / Puis les reporte à plusieurs fois ; / Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque. /Et cependant Bertrand les croque. »

Le singe Bertrand flatte le chat Raton pour le pousser à sortir les marrons du feu et se brule. Ainsi, à l’origine, celui qui tire les marrons du feu est la dupe d’un autre, qui se joue de lui en le laissant affronter tous les périls avant de profiter de son dangereux travail. Le procédé est ancien puisque La Fontaine en avait emprunté le sujet, et le titre, au Simius et Felis de Phèdre.

À l’usage, l’évocation de la patte du chat a disparu, l’expression étant peut-être trop longue ou la mention étant évidente. L’amputation de « la patte du chat » a dû rendre le sens de l’expression moins évident aux locuteurs du XXe siècle.

La signification d’origine « se donner de la peine pour le seul profit d’autrui » s’emploie de nos jours pour désigner l’attitude inverse: un comportement opportuniste consistant à profiter d’une situation donnée pour en retirer tous les bénéfices.

Cet emploi découle peut-être d’une confusion avec l’expression tirer son épingle du jeu, qui signifie « se sortir adroitement d’une affaire difficile ou dangereuse ».

Citation :

« Ce n’est pas toujours celui qui tire les marrons du feu qui les mange, ni celui qui ouvre l’huître que la gobe, ni celui qui fait des enfans qui les berce…« 

 La Restauration (et : La Légitimité), dans La Révolution, ou confessions d’une girouette, 1832