ÊTRE LE DINDON DE LA FARCE

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette expression ne vient pas de la cuisine mais du théâtre ou du divertissement.

Signification :

  • se faire duper par autrui et se retourner au final perdant;
  • être une bonne poire, se faire pigeonner.

Elle désigne donc l’état de celle ou de celui qui, le plus souvent naïf, se retrouve berné après une affaire, un contentieux.

Origine :

Elle remonterait au Moyen-Age, où les « farces », courtes comédies dites « bouffonnes » et sociales, mettaient en scène des pères crédules, bafoués par des fils irrespectueux. Ils étaient déguisés en dindons, étant au sens propre comme au figuré les « dindons de la farce ».

Par ailleurs, de pauvres dindons faisaient les frais d’un divertissement forain très en vogue à Paris de 1739 à 1844, le ballet des dindons. Le spectacle consistait à placer les volailles sur une plaque métallique surélevée et clôturée et à chauffer progressivement la plaque, forçant les poulets, pour ne pas se brûler les pattes, à sauter et à « danser » au rythme d’une musique qui devenait de plus en plus endiablée. En 1844, on interdit le ballet des dindons ainsi que les combats d’animaux.

De plus, le terme « farce » est dérivé de « farse », dont l’origine remonte au XIIIème siècle, signifiant « moquerie ». Par ailleurs, le terme « dinde » désigne une jeune fille niaise et naïve, se laissant aisément tromper. Le masculin « dindon » qualifierait un homme dupe, facilement manipulable.

Dans l’ouvrage L’Hermitte du faubourg Saint-Germain publié en 1825, le critique Colnet écrit : « Ce qui m’amusait le plus, c’était les plaideurs et les dindons qui allaient se faire plumer, les premiers au Palais, les seconds à la Vallée ». Les « dindons » désignent des juristes corrompus.

Dans le Dictionnaire de l’Académie française (1832) , « dindon » est associé à l’adjectif « dupe ».

Au XXème siècle, le théâtre a largement contribué à populariser cette expression.
Ainsi Feydeau, dans sa pièce intitulée Le Dindon, publiée en 1896, fait la part belle à des êtres dupés.  Le Dindon relate les mésaventures de Pontagnac, dandy et coureur de jupons invétéré, pris à son propre piège, en cherchant à séduire la femme de son meilleur ami.

À l’étranger :

Les Anglais disent « être farci », les Espagnols « être l’âne de tous les coups », les Italiens « être le dindon de la compagnie » et les roumains « tomber comme un faisan ».

Citation :

« Il vaut mieux être le dindon de la farce que la farce du dindon. »

Yvan Audouard