KENDRICK LAMAR : quand le rap est un art

Né en 1987, Kendrick Lamar a été élevé à Compton, banlieue de Los Angeles, une des villes les plus criminogènes des Etats Unis, berceau du « gangsta rap ».
Ce rap sulfureux est apparu au début des années 1990 porté par le groupe N.W.A. (formé par Dr. Dre et Ice Cube), Snoop Doggy Dog, Coolio, The Game ou Tupac Shakur. Contreculture les armes à la main, les voitures rutilantes et le verbe d’acier, il raconte la vie des gangsters afro-américains des banlieues de Los Angeles faite de violence, drogue, haine de la police, machisme, intolérance et argent.
Élevé dans une grande misère par un père ancien membre d’un gang de Chicago et une mère au foyer, Kendrick Lamar est confronté dès son plus jeune âge à la violence conjugale et à l’engrenage dangereux qui guette tout jeune de Compton: trafic de drogues et guerre des gangs.
Sa participation à l’âge de huit ans au clip de ses idoles Tupac Shakur et Dr. Dre s’avère déterminante pour lui. Il n’aura de cesse de développer des projets musicaux de plus en plus aboutis pour se sortir de sa condition.
Kendrick Lamar ne correspond pas au profil type du rappeur.
Il ne boit pas, ne se drogue pas, vit avec la même personne depuis le lycée et n’a pas un physique imposant.
Kendrick Lamar est un artiste au sommet pratiquant un rap, tout autant culture, art que façon de vivre.
Ses créations dénotent:
Une grande qualité d’écriture : les textes très imagés forment de véritables histoires avec un début, un cœur et une fin, un peu comme des courts métrages. Ses paroles sont très engagées contre les discriminations, honnêtes, authentiques et introspectives. Il relate ses doutes et ses faiblesses, ses peurs et ses conflits intérieurs. Il adresse aussi un message aux jeunes des quartiers, aux «générations qui reçoivent des coups?», victimes de discrimination. Il avoue être « nourri par un conflit intérieur entre l’aspiration à une vie meilleure et le souvenir d’une période sans espoir ». Sa pire peur est de retourner à la case départ.
Les mots et leur agencement sont méticuleusement choisis pour favoriser les rimes, le second degré, les doubles sens, les jeux de mots.
Lucides, poétiques, humoristiques, ils sont sensibles et très empathiques.
Des phrasés hors norme : il utilise sa voix comme un instrument de musique variant le débit, les intonations, les types de voix, pour mieux coller aux paroles et au rythme.
La manière de prononcer les mots détermine le rapport avec l’auditeur.
Un freestyleur hors pair : comme certaines de ses modèles (Eminem, Nas, Jay Z ), il s’avère un improvisateur exceptionnel.
Une musique très travaillée : innovateur dans l’âme, entouré des meilleurs «?beatmakers?», de producteurs de luxe (dont le fameux Dr Dre qui a révolutionné le son hip-hop à plusieurs reprises avec NWA, Snoop Doggy Dog, Eminem ou 50 cent…), il développe à chaque album un son très maitrisé et cohérent qui fait appel au hip hop, au jazz modal, au nusoul, au chant choral, au groove afro soul.
Il se promène avec aisance dans toutes les composantes de la musique afro-Américaine, du jazz au funk.
Chacun de ses concepts albums est un événement :
Section.80 (2011) : dans ce premier album, il développe les thèmes du racisme ou de l’accoutumance.
Good Kid, m.A.A.d City (2012) : il y décrit sa vie et celle de ses proches à une époque charnière aux alentours de 2004.
L’adolescent influençable au mauvais chemin tout tracé va résister à la pression funeste pour devenir témoin de la réalité violente et misérable qui règne à Compton.
On y croise de nombreux personnages aux avis et aux mentalités différentes.
Véritable film noir navigant avec brio dans l’esprit de ses protagonistes perdus ou ignorants. Cet album « parle de l’influence que les autres n’ont pas eue sur lui »?; ses meilleurs amis sont des bandits ou font du gangsta rap, mais il n’a pas avancé comme eux, la musique l’ayant sauvé, mais suscitant nombre de questionnements ».
To Pimp a Butterfly (2014) et Untitled Unmastered (2015)
Cet album est un questionnement sur son statut de leader au sein de la communauté noire, sur sa capacité à endosser un tel rôle, ses défauts, ses démons intérieurs, la façon de les «?pimper?», d’essayer de faire mieux malgré ses nombreuses failles.
Intégrant avec brio le jazz modal, le nusoul ou au chant choral, il ouvre de multiples pistes musicales nouvelles plaçant le hip-hop à l’avant-garde musicale.
Élu meilleur album de l’année par de nombreuses revues spécialisées, il révolutionne le genre rap sur un plan sonore et conceptuel.
Untitled Unmastered est un album reprenant certaines maquettes de To Pimp a Butterfly.
Damn (2017)
Très musical, plus sobre, à la poésie décapante, il parle de sa famille, de ses peurs avec son flow si particulier et son talent de storyteller.
Chaque morceau aux refrains percutants, d’une durée plus courte, aborde une thématique différente, navigant d’un univers musical à l’autre.
Très politisé, avec la volonté d’éveiller à la conscience des communautés discriminées, il aborde les thèmes du racisme, les violences policières, le problème des armes.
Cet album décrit l’urgence de se rassembler pour lutter contre toutes les  formes de violence délivrant un message éminemment pacifique.
Musicien engagé, virtuose des mots, des sonorités et du phrasé, en quête permanente de concepts musicaux nouveaux, Kendrick Lamar déploie un véritable art rap faisant de chacun de ses albums des classiques ouvrant de nouveaux champs et de nouvelles sensations musicales.
 
Commentaire adressé par Kendrick Lamar le 10.08.2017:
 
 
Merci !!
L’équipe de Culture Crunch

 

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