NOTRE-DAME DE PARIS : l’histoire des Mays, les grands tableaux de peinture sacrée du XVIIe siècle

Les Mays de Notre-Dame de Paris sont de grands tableaux commandés de 1630 à 1707 (excepté 1683 et 1694) par la corporation des orfèvres parisiens offerts le 1er mai à la cathédrale Notre Dame de Paris en l’honneur de la Vierge Marie.

Leur histoire

Le 1er mai 1449, les orfèvres parisiens instituèrent l’offrande du May à Notre-Dame de Paris. Cette tradition consistait à faire une offrande à la cathédrale en l’honneur de la Vierge Marie chaque 1er mai ou 1er « may ».

Le type d’offrande va évoluer au cours des siècles. Au début, la confrérie offrait un arbre feuillu décoré de banderoles et de rubans qui était planté solennellement devant le maître-autel de la cathédrale en signe de dévotion mariale. Les orfèvres ajoutèrent par la suite une machine d’architecture en forme de tabernacle à laquelle était accrochée des sonnets et autres poèmes, qui était pendue sous la voûte.

En 1533,  le tabernacle fut décoré de tableaux de l’histoire du Vieux testament commençant par la création du Monde. La série des petits Mays, aujourd’hui disparue, débuta à ce moment-là. Les sujets étaient généralement relatifs à la vie de la Vierge.

En 1630, en accord avec le Chapitre de la cathédrale, les petits mays furent remplacés par de grands tableaux commémorant un acte des Apôtres. Chaque année jusqu’en 1707 (excepté en 1683 et en 1694), les maîtres orfèvres de Paris vont commander un grand tableau de près de 4 m de haut (le premier grand May mesurant 3 m 40 sur 2m 75). La remise solennelle à la cathédrale ayant lieu en mai, mois de la Vierge, elle prit le nom de May de Notre-Dame.

Au total, soixante-seize toiles furent offertes à la cathédrale et accrochées dans la nef.

Ces commandes prirent rapidement la forme d’un grand concours de peinture sacrée. Les thèmes tirés des Actes des Apôtres de Saint Luc, relatant l’activité missionnaire des premiers disciples du Christ, étaient élaborés en étroite collaboration avec les chanoines de la cathédrale, auxquels les peintres devaient soumettre leurs esquisses. Le choix s’effectuait en fonction de la lisibilité de l’action décrite et de l’équilibre entre les formes et les couleurs. Pour les artistes, obtenir la commande d’un May était une grande reconnaissance de leur savoir-faire. Ces artistes étaient généralement liés à l’Académie de peinture et de sculpture créée en 1648.

Parmi les élus, on retrouve les grands noms de la peinture du Grand Siècle?: Claude Vignon, Sébastien Bourdon, Charles Le Brun, Eustache Le Sueur… Certains sont intervenus à différentes reprises tels Aubin Vouet en 1632, 1639 et 1640, Laurent de La Hyre en 1635 et 1637, Louis Boullogne le Père en 1646, 1648, 1657, 1669  remplacé par son fils Louis Boullogne le Jeune en 1685 et 1695.

Exposés devant la cathédrale, ils étaient ensuite accrochés de façon définitive dans les arcades de la nef, du chœur, des croisillons et du déambulatoire des chapelles. Ils étaient ainsi vus d’un très large public et commentés dans des textes imprimés. De nombreux collectionneurs cherchaient ensuite à posséder leurs reprises.

Au début du XVIIIe siècle, la corporation des orfèvres rencontra des difficultés financières liées aux réformes engagées par Colbert. La tradition des Mays prit fin en 1708 au grand dam des Chanoines du Chapitre qui firent savoir qu’ »au grand scandale du public, on avait cessé de satisfaire à ce pieux devoir ».

Les grandes Mays comme les autres biens ecclésiastiques furent saisis en 1794 et transportés aux musées des Petits Augustins et du Louvre. Cinq ou six tableaux furent perdus durant la Révolution. Une partie d’entre eux retourna à Notre-Dame après le Concordat mais, les restaurateurs du XIXe siècle débarrassèrent la cathédrale de ce décor jugé trop encombrant.

Sur la cinquantaine de Mays parvenus à nos jours, seuls 13 sont présentés au public à Notre-Dame de Paris dans les chapelles de la nef. Ils ont résisté à l’incendie du 15 avril 2019.

Il y a notamment deux tableaux de Laurent de la Hyre, Saint Pierre guérissant avec son ombre (1635) et La conversion de saint Paul (1637), preuve du prestige considérable dont il jouissait alors ; un de Charles Poerson, élève de Vouet, qui exécuta le May de 1642, Saint Pierre prêchant à Jérusalem. On y trouve aussi le May de 1643, dans un style plus baroque, œuvre de Sébastien Bourdon.

1634Jacques BlanchardLa Descente du saint EspritParis, cathédrale Notre-Dame
1635Laurent de La HyreSaint Pierre guérissant les malades de son ombreParis, cathédrale Notre-Dame
1637Laurent de La HyreLa conversion de saint PaulParis, cathédrale Notre-Dame
1639Aubin VouetLe centurion Corneille aux pieds de saint PierreParis, cathédrale Notre-Dame
1642Charles PoersonLa prédication de saint Pierre à JérusalemParis, cathédrale Notre-Dame
1643Sébastien BourdonLa crucifixion de saint PierreParis, cathédrale Notre-Dame
1647Charles Le BrunLe Crucifiement de saint AndréParis, cathédrale Notre-Dame
1650Nicolas LoirSaint Paul rend aveugle le faux prophète Barjesu et converti le proconsul SergiusParis, cathédrale Notre-Dame
1651Charles Le BrunLa lapidation de saint ÉtienneParis, cathédrale Notre-Dame
1655Louis TestelinLa flagellation de saint Paul et SilasParis, cathédrale Notre-Dame
1670Gabriel BlanchardSaint André trésaille de joie à la vue de son suppliceParis, cathédrale Notre-Dame
1687Louis ChéronLe prophète Agabus prédisant à saint Paul ses souffrances à JérusalemParis, cathédrale Notre-Dame
1702Mathieu EliasLes fils de Sceva battus par le démonParis, cathédrale Notre-Dame



Les autres grands Mays de Notre-Dame sont exposés dans des cathédrales ou églises de France, au musée du Louvre et dans des musées de province, en particulier le Musée des Beaux Arts d’Arras qui a inauguré en 1999 une salle des Mays mettant en valeur les 14 Mays de sa collection.

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