Qu’est-ce que l’AMAZONIFICATION ou UBÉRISATION ?

Le phénomène d’ubérisation a été popularisé en décembre 2014 par Maurice Levy, PDG de Publicis, dans un entretien au Financial Times. Il correspond à la remise en cause par une start-up ou un nouveau modèle économique lié à l’économie digitale d’un vieux modèle de l’économie traditionnelle.

Certains lui préfèrent le néologisme d’«Amazonification» construit selon la même logique à partir du nom de la société «Amazon» mais, qui correspond à une menace qui s’est incontestablement confirmée.

De quoi sagit-il?

Ce néologisme a été formé à partir du nom de la société «Uber», plateforme de mise en relation via une application mobile des usagers avec des chauffeurs concurrençant directement les taxis.

Il désigne l’émergence de nouveaux modèles d’entreprises, bousculant les opérateurs traditionnels en place, qui :

  • tirent parti des innovations numériques liées au développement du très haut débit, au développement des technologies de big data et à la création d’applications sur mobiles ou tablettes…;
  • s’inscrivent dans une économie collaborative qui révolutionne les usages, mettant directement en relation, en temps réel, via une plateforme numérique, les clients avec des prestataires;
  • sont axés sur le rapport prix/service rendu au client (prix très compétitifs, simplicité et réactivité, sécurisation de la transaction par la plateforme, qualité du service) permis par l’accès large donné à de nouveaux prestataires (facilité d’accès à une clientèle, statut d’indépendant, régulation faible…).
  • évitent les contraintes réglementaires et législatives de la concurrence classique.

Le développement fulgurant de ces nouvelles entreprises repose sur 

  • la forte amélioration de l’expérience utilisateur
  • la suppression des intermédiaires, 
  • une offre mobile simple et ergonomique, 
  • un service en temps réel, 
  • un rapport qualité/prix optimal,
  • un modèle de développement peu consommateur en ressources et scalable (économies d’échelle fortes).

Quels sont les secteurs touchés?

La plupart des secteurs de l’économie traditionnelle sont concernés par l’apparition de ces modèles dits «disruptifs» (de rupture) :

  • location de biens (Airbnb, Zilok), 
  • transport (BlaBlaCar), 
  • éducation (Khan  academy, superprof), 
  • mode (Chictypes, Popemyday), 
  • bâtiment-travaux (Hellocasa, Mesdepanneurs), 
  • alimentation (Ubereats, deliveroo), 
  • santé (Heal, Oscar), 
  • marketing (Creads, Doz), 
  • immobilier (DingDong, Somhome), 
  • services juridiques (Legalstart, Weclaim), 
  • politique (Laprimaire.org, Voxe), 
  • financement (KissKissBankBank, MyMajorCopany), 
  • actifs non cotés (Assetmarket), 
  • conciergerie (Le CleanBox, Bring4you), 
  • logistique (BirdOffice), 
  • voyages (Blackjet, Wijet)…

Quelles sont les conséquences attendues?

L’ubérisation est synonyme de :

  • forts gains de productivité, générateurs de croissance économique à long terme;
  • développement de l’entrepreneuriat et de l’innovation, la marche à l’entrée (masse de coûts fixes pour lancer son entreprise) dans l’économie collaborative étant plus faible, même si in fine une à deux plateformes devraient survivre à terme sur chaque segment de marché;
  • accès à davantage de ressources;
  • factorisation des échanges sociaux;
  • diminution de la pollution et accent porté sur la RSE des entreprises;
  • intensification de la concurrence et pression à l’amélioration de la qualité à coûts contenus.

De fait, le succès des plateformes numériques est un puissant révélateur des insuffisances et de l’inadaptation des entreprises établies à répondre à la nouvelle donne numérique et aux attentes des consommateurs (réactivité, prix compétitifs, qualité de service). 

Comment les entreprises traditionnelles peuvent-elles s’adapter à l’ubérisation?

Même si leurs structures de régulation, de coûts et de qualité sont différentes, cela passe par :

  • la mise en place d’une culture de service client et la réforme des dysfonctionnements internes;
  • l’abaissement des coûts apparents et des prix, par un positionnement sur les marchés les plus sujets à économies d’échelle ou de niche;
  • l’accent mis sur l’innovation et la valeur pour améliorer l’expérience de la clientèle (nouveaux services, nouvelles applications mettant en avant ses points forts);
  • l’accélération de la digitalisation de toutes les fonctions de l’entreprise (outils de production, conception produit, relation client…) et l’intégration de structures technologiques successives en interne ou l’acquisition de start up disruptant le modèle traditionnel.

Quels sont les enjeux en termes de régulation?

L’État a un rôle important à jouer pour corriger l’asymétrie de fonctionnement entre l’économie traditionnelle et cette nouvelle économie porteuse de risques de désagrégation de notre modèle social. 

Cette dernière doit être légalisée et encadrée pour pouvoir influer positivement sur l’économie dans son ensemble.

Une révolution est-elle en marche?

En bouleversant notre modèle économique, social et juridique, l’ubérisation constitue une puissante incitation à transformer les modèles traditionnels en modèles collaboratifs, qualitatifs et efficients.

Néanmoins, en l’absence de réponse forte des entreprises traditionnelles aux défis lancés par les plateformes, ces dernières pourraient rapidement se retrouver en position de force.

Sans régulation, le risque est grand d’une accentuation des inégalités sociales, entre :

  • une petite élite numérique toute puissante,
  • une masse d’indépendants, de contractuels ou d’auto entrepreneurs embauchés à la demande («gig economy»), 
  • un «netariat» pléthorique de laissés pour compte de la révolution numérique remplacés progressivement par des bots, des robots ou des algorithmes de plus en plus puissants et intelligents.

Existe-t-il un modèle alternatif à ces plateformes en voie de précariser massivement lemploi?

Alertées par les actions juridiques intentées aux «gig companies» et les problèmes d’image associés à leur modèle, une deuxième génération de plateformes (Managed by Q) et des plateformes de première génération converties (Shyp, Luxe, Eden, Sprig) opèrent un retour à l’emploi traditionnel à plein temps.

Sécurité juridique, capacité à former à long terme et à moindre coût la main-d’œuvre et meilleure image de marque semblent être recherchées.

Il faut noter qu’aucune de ces sociétés n’a atteint l’échelle ou la notoriété d’un Uber. 

La course à l’hypercroissance et à la dominance n’aurait-elle pas pour contrepartie une numérisation poussée et une précarisation généralisée de la main d’œuvre, variable d’ajustement d’une montée en charge en mode accéléré?

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