Certaines entreprises anglo-saxonnes (Netflix, Evernote, Tumblr ou Virgin) ont mis en place un système de congés illimités (unlimited leave). L’objectif est de permettre aux collaborateurs d’organiser leur temps de travail et de mieux gérer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Il s’agit également de favoriser la cohésion d’équipe, la motivation, la créativité et d’attirer les meilleurs éléments.
En quoi cela consiste??
C’est un système qui permet aux collaborateurs de s’absenter autant qu’ils le veulent à la condition :
- d’avoir rempli leurs objectifs?;
- et que leur absence ne perturbe pas la marche de l’entreprise.
Dans quel contexte cette initiative s’inscrit-elle??
Aux États-Unis, aucune loi fédérale ne prévoit d’obligation de congés.
En pratique, chaque entreprise fixe les règles du jeu.
Les Américains prennent rarement plus de deux semaines de congés par an. Un quart d’entre eux partent en vacances. Quant aux bénéficiaires de congés illimités, ils prennent en moyenne trois jours de plus par rapport à la moyenne.
Ce système a-t-il un intérêt en France??
En France, malgré un cadre légal très favorable (cinq semaines au minimum avec mode de calcul et traitement égalitaire), certaines start-up (Popchef, Kwaga) ont introduit ce système de vacances illimitées.
Leur objectif affiché est de sortir des horaires fixes imposés, du présentéisme, de responsabiliser chacun à la performance et non au temps passé.
Cette expérience se traduit concrètement par la prise d’une à deux semaines supplémentaires. Le coût à court terme est censé être compensé par une plus grande responsabilisation et motivation personnelle.
Ce système semble plus adapté aux petites structures dotées d’une échelle hiérarchique réduite et employant du personnel à l’esprit start up.
Quelle que soit sa taille, l’entreprise peut néanmoins y trouver son intérêt. Outre la forte hausse de la productivité, il met fin au système de congés non utilisés reportables qui sont dus à la fin d’un contrat de travail.
Pour que le collaborateur puisse réellement bénéficier de ces « congés illimités », sa mise en oeuvre suppose :
- une bonne entente entre le manager et l’équipe,
- la claire définition des missions,
- et la fixation d’objectifs réalisables.
À défaut, les risques de surmenage liés à l’hypersollicitation ou à l’auto-exploitation sont élevés.
De plus, il entraîne l’effacement progressif de la frontière entre sphère privée et professionnelle (ou « blurring« ). Les bénéficiaires restent tout le temps connectés et relativement disponibles.
Prendre ses vacances devenant un choix et non plus un droit, il arrive que certains culpabilisent et prennent du travail pendant leurs « vacances » pour avancer dans leurs projets et ne pas donner l’impression d’abandonner leur entreprise?!
En effet, donner une telle liberté rend paradoxalement les employés redevables envers leur entreprise, ce qui les pousse à travailler à tout moment, qu’ils soient en vacances ou non.
En France, remplacer un droit égalitaire d’ordre public régi par le code du travail par un système « illimité » lié à la seule efficacité chiffrée semble difficilement généralisable. Opter pour moins de rigidité dans la fixation des congés pourrait aboutir, pour les moins efficaces, à moins de vacances in fine et créer une inégalité de traitement contestable devant les tribunaux.
Ce système est seulement appliqué dans 3 % des entreprises aux États-Unis, pays où culturellement il est le plus adapté. En effet, l’ardeur au travail, la quête de la performance, l’auto-responsabilisation et l’autocontrôle sont plébiscités outre Atlantique.
S’il veut conduire à plus de responsabilisation, de motivation et de créativité, ce système de vacances contre réalisation d’objectifs, nécessite un très fin réglage. À défaut, il peut mener ses bénéficiaires à l’auto-aliénation ou à l’épuisement physique et mental.