Le phénomène «Tanguy», décrit en 2001 dans le film éponyme d’Étienne Chatillez, a démarré au début des années 1980 et n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis.
Appelés péjorativement «célibataires parasites» au Japon, ces jeunes adultes, censés profiter d’une vie insouciante et confortable au domicile de leurs parents, seraient loin de désirer ce cocooning.
Que recouvre le terme «générations Tanguy» ?
Le film «Tanguy» évoquait la situation d’un jeune adulte trentenaire se complaisant au domicile de ses parents. Ce terme, devenu générique, désigne les jeunes adultes qui tardent, quelle qu’en soit la raison à partir du domicile familial.
Ce phénomène transgénérationnel apparu dans les années 1980-1990 a concerné les générations X et Xennials et touche actuellement les Millennials.
Selon l’INSEE, près de la moitié (46 %) des jeunes entre 18 et 29 ans habiteraient encore chez leurs parents, tout ou partie de l’année (65 % des 18-24 ans et 20 % des 25-29 ans).
Comment expliquer ce départ tardif du foyer ?
- un allongement de la durée des études imputable à un besoin de formation accrue et de spécialisation destiné à faciliter l’entrée sur le marché du travail;
- une entrée difficile et retardée sur le marché du travail (multiplication des petits boulots, stages et CDD…);
- une vie sous le même toit et un engagement de couple décalé dans le temps;
- une difficulté d’accès au logement, particulièrement en grandes villes. En situation souvent précaire, ces jeunes adultes, appelés «freeters» (ou «sous-employés») au Japon, ont du mal à s’autonomiser et à accéder au logement du fait du caractère intermittent de leur travail et de leurs bas salaires.
- une solidarité familiale à double sens : certains jeunes adultes, en particulier ceux issus des milieux les plus défavorisés, prolongent la co-résidence avec leurs parents pour assurer la survie économique de la famille.
- une «adulescence» de plus en plus longue favorisée par une plus forte indulgence et une toute présence des parents (phénomène des «parents hélicoptères»).
Comment s’organise la cohabitation entre parents et enfants arrivés à l’âge adulte ?
- les relations s’équilibrent (relations entre adultes avec un partage des responsabilités);
- l’adoption de règles tacites permet au jeune adulte d’aménager une «maison dans la maison» et de bénéficier d’une grande autonomie dans ses allées et venues;
- les parents n’acceptent cette situation qu’à la condition que leur enfant reste actif et essaye de s’en sortir. Participer à la vie et, si possible, aux finances du foyer est souhaité. En effet, ce soutien familial prolongé est pesant pour les parents. Cela les oblige à retarder leur retraite et leurs projets, piocher dans leurs économies, réduire leurs dépenses et passer moins de temps ensemble.
Ce phénomène de départ retardé du domicile parental peut s’accompagner d’un phénomène boomerang, de retour au domicile parental des enfants après une ou plusieurs tentatives avortées d’autonomie.
Les vicissitudes économiques et affectives de la vie actuelle favorisent les allers et retours des enfants. La taille de la famille parentale est ainsi emmenée à varier au cours du temps tel un accordéon («famille accordéon») incluant parfois les conjoints et les petits enfants.
Parce qu’ils disposent d’un patrimoine immobilier conséquent, les baby-boomers sont particulièrement mis à contribution, en particulier dans les grandes villes.
De fait, la famille, au sens large, semble entrée dans une nouvelle ère de solidarité intergénérationnelle imposée par la vie moderne et rendue possible par l’adoption de règles de cohabitation et de partage; un peu à l’image des colocations modernes de type coliving ou cohoming (la dimension professionnelle en moins!).
Le seul allié des jeunes générations n’a toujours été que le temps, celui de vieillir un peu.
Jean Dion