Un néologisme est un mot nouveau ou un sens nouveau. Il fait partie intégrante du style d’un auteur, acteur d’une langue qu’il doit mettre au service de ce qu’il souhaite exprimer.
François Rabelais a fortement enrichi la langue française, créant des centaines de mots ou les utilisant pour la première fois dans ses œuvres, au point de parler de « langue de Rabelais ». Céline a également inventé des mots ou des acceptions, adaptés de l’argot ou non. L’univers romanesque de Frédéric Dard est indissociable d’une langue empruntant à l’argot mais surtout à une grande créativité personnelle. » J’ai fait ma carrière avec un vocabulaire de 300 mots. Tous les autres, je les ai inventés » dira-t-il. De fait, il a créé plus de 10 000 mots nouveaux.
De nombreux autres auteurs ont créé des néologismes souvent drôles pour singulariser leur écriture, certains passant par la suite dans le langage courant.
Mots | Auteurs | Signification |
abracadabrantesque | Mario Proth | extravagant |
agoraphilie | Erik Orsenna | l’amour des places publiques, la passion des foules. |
aimeuse | Colette | amoureuse |
allélouyer | Julien Green | entonner des alléluias |
amourerie | Céline | désigne les bruits produits lors de l’acte amoureux |
anicroche | Rabelais | une arme recourbée/une difficulté. |
antimémoires | André Malraux | titre de l’autobiographie d’André Malraux. |
arcagner | Céline | mettre en sang (à partir d’arcagnats, règles menstruelles) |
archicrouni | Céline | à partir de crouni (mourir) |
automate | Rabelais | technique des petits engins qui fonctionnent seuls |
badonguer | Paul Claudel | se dit des cloches qui font ding dong |
bassitude | Michel Tournier | référence à l’altitude négative de la mer Morte par rapport à la Méditerranée |
belgitude | Pierre Mertens | condition liée au fait d’être belge, en référence à la «négritude» de Senghor |
bénéfique | Rabelais | qui fait du bien |
blablater | Céline | parler pour ne rien dire (à partir de blabla) |
blavouiller | Céline | parler à tort et à travers (à partir de ‘blaver’, lequel est formé de blablater et de baver, bavarder) |
bouzillman | Céline | personne destructrice (à partir de bouziller, détruire, avec suffixation pseudo-anglaise) |
buccalise | Richard Jorif | sur le mode de vocalise, désigne les plaisirs de bouche auxquels se livrent les amoureux. |
cambronnade | Guillaume Apollinaire | euphémisme érudit permettant d’esquiver les fameuses cinq lettres de Cambronne |
carpasson | Yann Queffélec | qualifie un mari ou une épouse sans réaction face aux brimades de son conjoint (entre carpette et paillasson) |
cataractant | Julien Gracq | agitée (mer) |
centagénaire | Eugène Ionesco | centenaire (sur le modèle de quadragénaire) |
chauvisant | Louis Aragon | quand les cheveux se font rares |
cleftomanie | Hervé Bazin | forme d’obsession parallèle à la cleptomanie ou kleptonanie consistant à tout fermer à clef, puis à enfermer les clefs… |
compatissance | Honoré de Balzac | invention involontaire qui remplaça « compassion » |
cosmopolisson | Paul Morand | réunit en un seul mot voyage et libertinage |
covivre | Henri Michaux | décrit le supplice que deux personnes s’infligent régulièrement depuis une quinzaine d’années en vivant ensemble sans amour |
crougnougnou | Frédéric Dard | élément très convoité de l’anatomie féminine |
délyrer | Jacques Audiberti | croisement de délirer et de lyre qui s’applique à merveille à Edgar Poe |
députodrome | Raymond Queneau | lieu où les lois sont votées |
divinogène | Henri Michaux | qualifie certains produits stupéfiants |
dormioter | Jean Giono | sommeiller ou somnoler |
embistrouillant | Frédéric Dard | ennuyeux |
emperpignanné | Marcel Pagnol | celui qui voudrait quitter Perpignan, mais est obligé d’y rester |
empoiler | André Gide | s’applique à tous les garçons vers l’âge de quinze ans: les gracieux éphèbes se métamorphosent en brutes velues. |
enchrister | Céline | mis sur la croix comme le Christ. |
ensuisser (s’) | Marguerite Yourcenar | se laisser gagner peu à peu par la sérénité helvétique |
époustraque | André Brincourt | Dans Le Paradis désenchanté, André Brincourt décrit Adam époustouflé au jardin d’Eden |
escarpille | Louise de Vilmorin | chaussure féminine |
fantascience | Jacques Audiberti | s’applique au genre littéraire d’Edgard Poe |
festivant | Blaise Cendrars | espèce de vacancier |
franglais | René Etiemble | abâtardissement du français |
frugal | Rabelais | qui se contente d’une nourriture simple |
gaminauderie | Richard Jorif | de gamin et minauderie |
génie | Rabelais | synonyme de « caractère », de « tendance naturelle de l’esprit « , bonne ou mauvaise, |
grincieux | Pascal Bruckner | à la fois grincheux et gracieux. Il s’agit d’un «râleur au doux visage», d’après Monsieur Tac qui donne son nom au titre du roman (1976) de Pascal Bruckner. |
gymnaste | Rabelais | en référence à L’ecuyer Gymnaste, jeune gentilhomme tourangeau, maître d’équitation de Gargantua et d’Eudémon. (Gargantua, XXIII). |
haltère | Rabelais | Si le principe des haltères existaient depuis l’Antiquité, c’est Rabelais qui le premier a utilisé ce mot dans la littérature. Le « h » devant « altère » a été rajouté par la suite par souci de fidélité au mot latin « halter » qui veut dire contre-poids. |
hargnosité | Arthur Rimbaud | substantif d’hargneux |
héliophanie | Michel Tournier | Dans Vendredi ou les limbes du Pacifique, aussi noble que le lent et majestueux lever du soleil qu’il définit, et homologué par le Grand Robert. |
indigène | Rabelais | Première utilisation française dans Pantagruel. Ce terme sera inclus dans la langue de Molière à partir de 1532. Il sera quotidiennement utilisé un siècle après, durant l’époque coloniale. Il désigne les tribus et peuples ne partageant pas la même culture que les Occidentaux. |
innommie | Pierre Mertens | Dans Perasma (Seuil), le dernier roman de Pierre Mertens, il est question d’un pays qu’on ne peut nommer, un pays ambigu qui résiste à toutes les identités, la Belgique. |
Joconder | Henri Troyat | sourire avec un air idiot |
malvie | Tahar Ben Jelloun | Comme «malbouffe». Tahar Ben Jelloun tient à l’antériorité de cette construction linguistique sur celle qui définit le combat de José Bové. Le Goncourt 1987 et le cinéaste Daniel Karlin en partagent la paternité à l’occasion du film La malvie qu’ils avaient coréalisé et que le romancier avait prolongé par un livre publié sous le même titre. |
matrimoine | Hervé Bazin | Dérivé de patrimoine, le matrimoine est l’un des romans les plus connus d’Hervé Bazin |
moâ | Sacha Guitry | ego surdimensionné (Moiiiiii) |
moimoiïsme | Céline | égocentrisme |
nécroman | Céline | amateur de cadavres. Variante de nécrophile avec suffixation empruntée à l’anglais. |
nostalgérie | Henry de Montherlant | évocation des regrets pieds-noirs |
pantagruélique | Rabelais | qualifieant ce qui ressemble à Pantagruel, le géant à la faim insatiable et à la force démesurée. |
patriotique | Rabelais | qui aime sa patrie |
peignophone | Boris Vian | instrument inventé au lycée, composé d’une feuille de papier à cigarette et d’un peigne.En soufflant dessus, l’objet vibrait et produisait un son. |
pianocktail | Boris Vian | célèbre mot-valise issu de son célèbre roman, L’écume des jours (1947).Il désigne l’instrument rêvé qui fabriquerait un cocktail à partir de la mélodie jouée sur son clavier. |
pieuvreut | Victor Hugo | Introduit dans la langue française au XIXe siècle, ce mot d’origine anglo-normande était alors utilisé par les pêcheurs de l’île de Guernesey. Victor Hugo l’utilise pour désigner le poulpe monstrueux de son roman Les Travailleurs de la mer (1866). Ce nouveau terme va rapidement supplanter le mot poulpe. |
presquevoix | Henri Michaux | sorte de murmure |
quintessence | Rabelais | Ce mot existait déjà chez les Grecs pour qui il représentait un cinquième élément, après l’eau, la terre, l’air et le feu. |
spleen | Charles Baudelaire | Dans le recueil Le Spleen de Paris, venant de l’anglais « spleen », rate, désignant une profonde mélancolie rêveuse. |
surréalisme | Guillaume Apollinaire | mouvement littéraire et aristique |
touchatouisme | Jean Cocteau | quand on excelle dans tous les domaines |
tube | Boris Vian | chanson à succès |