GENERATION PERDUE (1883-1900) : une génération sacrifiée en quête de sens

Selon les théoriciens des générations W. Strauss et N. Howe, la génération perdue (ou «?lost generation?») correspond à la cohorte de personnes nées entre 1883 et 1900. Ayant atteint leur majorité durant la Première Guerre mondiale, ils connaitront les années folles des années 1920.

En Europe, cette génération porte le nom de «?génération de 1914?»; en France, de «?génération au Feu ou en Flammes?». Elle désigne également un groupe d’artistes, écrivains et philanthropes américains ayant vécu et travaillé à Paris durant l’entre-deux-guerres.

Il s’agit d’une génération profondément marquée par les effets dévastateurs de la Première Guerre mondiale. Les nouvelles méthodes de combat avec chars, avions et mitrailleuses ont fauché une génération entière de jeunes (environ 40 millions de victimes) et profondément traumatisé les survivants. 

Réapprenant à vivre, ils se sont rebellés contre les valeurs de leurs parents, sceptiques quant à l’autorité et cyniques envers le devenir de l’humanité. Ils ont mis à bas l’idéologie patriotique, progressiste et matérialiste, recherchant l’hédonisme et la légèreté. Ayant perdu la foi et l’espoir dans la société moderne, ils ont expérimenté une vie sans but, superficielle, axée sur la frivolité, l’auto-indulgence, la nostalgie d’un passé idéalisé

La loi de 1919 sur la Prohibition adoptée aux États unis a entrainé une recrudescence de la criminalité et un essor du crime organisé symbolisé par les bootleggers (Al Capone). Elle va renforcer paradoxalement le climat décadent de l’époque.

Dans le même temps, les États unis vont vivre une grande période de prospérité. Le pays devient le plus riche de la planète grâce à une un exode rural massif et une forte hausse de la productivité.  Une culture de consommation de masse émerge, le divertissement de masse se développe. C’est «?l’âge du jazz?» selon Fitzgerald.

Nombre d’Américains, sans attaches, désenchantés, laissés pour compte de cette croissance vont devenir nomades.  Des artistes, écrivains et leurs mécènes se réfugient en Europe où la vie est plus abordable, bouillonnante; en particulier à Paris, ville des lumières, en pleine mutation.

Cette «?lost generation?», selon la formule célèbre de Getrude Stein lancée à Ernest Hemingway, va raconter abondamment cette Amérique bouleversée par les horreurs de la guerre et les mutations sociales et morales.

Mort du rêve américain, décadence et vie frivole, impuissance, désorientation et errance, idéalisation du passé sont les thèmes récurrents des œuvres d’Ernest Hemingway, Francis Scott Fitzgerald, John Dos Passos, William Faulkner, Ezra Pound, Gertrude Stein, James Joyce…

Ne se reconnaissant plus dans les valeurs anciennes et la politique de retour à la normale du Président Harding, ils vont en prendre le contrepied et se réfugier dans une culture de la débauche et de la superficialité.

La grande Dépression va mettre un terme brutal à cette frénésie hédoniste. La «?lost génération?» entrée dans la force de l’âge va tomber dans les affres de la misère économique et sociale.

Ayant pour la plupart regagné leur pays de naissance, grands artistes et écrivains vont décrire avec force et style l’effondrement économique et le déclassement de leurs compatriotes, à l’image de John Steinbeck («?les raisons de la colère?») ou Dos Passos («?U.S.A?»).

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Les grandes générations sociales occidentales du XXe et XXIe siècle

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