Plus volumineuse et massive que toutes les autres planètes réunies, cinquième planète en partant du soleil, Jupiter serait la plus ancienne planète du système solaire. Le système jovien (Jupiter, ses anneaux et ses soixante dix lunes et centaines d’astéroïdes) recèle de nombreux mystères que la sonde Juno de la NASA mise en orbite elliptique autour de Jupiter en juillet 2016 s’emploie à percer passage après passage.
Les premiers résultats sont déroutants: Jupiter apparaît comme « un monde complexe, gigantesque et turbulent » très différent de ce que les scientifiques imaginaient.
Premier mystère : Jupiter, planète gazeuse composée principalement d’hydrogène et d’hélium, dispose-t-elle d’un noyau solide ?
Jupiter se serait formé à partir d’un noyau de roches et de glaces accumulées pendant 2 à 3 millions d’années jusqu’à atteindre plusieurs fois la masse de la Terre. Arrivé à cette taille critique, le noyau aurait attiré de gigantesques quantités d’hydrogène et d’hélium pour atteindre sa masse actuelle. Le cœur rocheux initial a-t-il survécu et quelle en est la taille ?
Selon les premières mesures envoyées par Juno, le noyau de Jupiter serait plus gros et plus étendu. Il tournerait uniformément comme un corps rigide. Diverses régions du centre s’orientant dans des directions différentes, il ne bougerait pas comme s’il s’agissait d’un corps solide. Ce serait un noyau uniquement composé de gaz (hydrogène et hélium) ionisés (chargés électriquement) tournant en phase avec le champ magnétique de la planète et donnant ainsi l’impression que le noyau est solide.
Deuxième mystère : Quelle est la composition de Jupiter ?
Théoriquement , Jupiter contiendrait 10 à 40 masses terrestres d’éléments lourds (autres que l’hydrogène ou l’hélium), la moitié pouvant être l’oxygène issu de molécules d’eau contenues dans les nuages.
La sonde a révélé une bande d’ammoniac extrêmement profonde autour de l’équateur de la planète qui pénètre aussi profondément dans la planète que le vaisseau spatial peut le voir.
Troisième mystère : le champs magnétique étant vingt fois plus fort que celui généré par le noyau de la Terre, comment cela peut il s’expliquer si le noyau est fluide et la planète composée de gaz ?
Selon les premières données, le champ magnétique surpuissant serait liée à la circulation d’hydrogène sous forme «métallique», un état de l’hydrogène issu de plusieurs milliers de bars de pression à 10000 km de profondeur. Une fois « métallique », l’hydrogène deviendrait ultra-conducteur.
Ces océans de liquide conducteur mis en mouvement par la grande vitesse de rotation de la planète donneraient naissance au magnétisme intense observé. Mais la forme précise de ces courants reste à déterminer.
Par ailleurs, plus on se rapproche de Jupiter, plus il y a de variations dans l’intensité du champ magnétique. Cela fournit des indices sur l’endroit où le champ magnétique est généré à l’intérieur de la planète. Comme il semble y avoir beaucoup de variations près de la surface de Jupiter, peut-être que la planète n’est pas très profonde dans son noyau. La surface du noyau de dynamo serait beaucoup plus proche du sommet que prévu. Son puissant champ magnétique (1,5 fois plus fort que ce que l’on pensait) aurait ainsi son origine dans les couches supérieures.
Quatrième mystère : quelle la nature du champ gravitationnel (espace dans lequel la masse de la planète a une influence sur un autre corps tels les lunes ou les astéroïdes) ?
Jupiter étant une planète gazeuse faisant preuve d’une certaine « fluidité », le champ gravitationnel était supposé symétrique.
La sonde Juno a mis en évidence une asymétrie du champs gravitationnel laissant penser qu’il existe une différence entre les champs de gravité du nord et du sud de la planète. De fait, les deux hémisphères fonctionneraient probablement de façon différente.
La raison de cette différence résiderait dans les vents sillonnant la surface de la planète. tournant à des vitesses différentes (l’écart atteignant parfois 100m/s !).Ces vents seraient très profonds, les mouvements continueraient à 3 000 km en dessous des nuages de Jupiter (le rayon de la planète étant de 69 911 km).
Cinquième mystère : Pourquoi l’atmosphère de Jupiter présente des bandes aux couleurs différentes issues de compositions chimiques et de vitesses d’écoulement distinctes? Comment se forment-elles et quelle en est la profondeur ?
Vue de l’espace, Jupiter est divisée en bandes horizontales de couleurs chaudes et froides, qui tournent à des vitesses différentes. Son atmosphère est caractérisée par des flux de puissants jets allant d’ouest en est. Ceux-ci entrainent des nuages d’ammoniac vers l’atmosphère extérieure de la planète. Ce phénomène engendre des bandes colorées qui varient entre le blanc, le rouge, l’orange, le brun et le jaune.
Il a été observé des structures inattendues, interprétées comme des indications de masses d’ammoniaque provenant des profondeurs de l’atmosphère et formant des systèmes météorologiques.
Les courants-jets s’étendraient au plus profond de la planète (environ 3 000 kilomètres vers le bas, selon les modèles). Les gaz à l’intérieur de Jupiter étant magnétisés, les courants-jets n’iraient pas plus loin. Selon les lois de la physique, cette distance de 3000 km correspondrait au point à partir duquel la pression atmosphérique devenue extrême est supposée rendre l’hydrogène, habituellement isolant, conducteur comme un métal.
Sixième mystère : Comment expliquer la formation de la tache rouge de Jupiter et de différents autres ovales blancs ?
La Grande Tache rouge de Jupiter est le plus grand vortex anticyclonique de Jupiter et la plus grande tempête du Système solaire. Son évolution est suivie depuis 1830 . Il est probable qu’elle ait été aperçue il y a 350 ans. Les dernières mesures, en avril 2017, confirment qu’elle rétrécit et qu’avec 16.000 km de diamètre, elle ne pourrait plus engloutir que 1,3 fois la Terre. Elle n’a cessé de diminuer ces dernières années. C’est une des énigmes de Jupiter sur laquelle les chercheurs aimeraient beaucoup lever le voile.
Cette tempête est loin d’être le seul anticyclone à la surface de Jupiter. Les anticyclones appliquent une très forte pression atmosphérique en leur centre, en créant des vents qui se propagent à une échelle étendue. Ces derniers tournent dans le sens horaire s’ils se trouvent dans l’hémisphère Nord de la planète et dans le sens inverse dans l’hémisphère Sud.
L’astre gazeux accueille plusieurs ovales blancs. À l’intérieur de ces anticyclones, les nuages à l’intérieur de la haute atmosphère sont froids; ce qui distingue ces tempêtes des ovales bruns, plus chauds.
Comme pour la grande tâche rouge, la longévité des ovales blancs semble pouvoir atteindre des siècles. Ces deux types d’anticyclones deviennent de plus en plus compacts avec le temps.
Ce sont d’ailleurs des ovales blancs qui ont donné naissance à la grande tâche rouge de Jupiter : la fusion de ces anticyclones même laissé une marque visible, connue sous le nom de petite tâche rouge.
Septième mystère : que se passe t-il aux pôles de Jupiter où toutes les lignes de champ magnétique viennent plonger ?
La sonde spatiale américaine Juno a survolé les pôles de Jupiter et s’est approchée à moins de 5.000 kilomètres au-dessus de la couche nuageuse de sa haute atmosphère.
A partir de ces données, il est apparu qu’au pôle nord, le large cyclone central était encerclé par huit autres typhons de taille plus modeste, d’un diamètre d’environ 4 000 kilomètres étant en contact avec la formation centrale.
Au sud, la taille du cyclone central est presque équivalente à celle des cinq typhons qui l’escortent (entre 5 500 et 7 000 km de diamètre) mais qui se trouvent, cette fois, séparés de lui par une sorte de zone tampon animée de mouvements chaotiques.
Huitième mystère : quelle est la nature des innombrables éclairs joviens ?
Les éclairs joviens seraient similaires à ceux de la Terre bien que plus fréquents que prévu. La foudre pourrait frapper jusqu’à quatre fois par seconde lors de certains orages.
Neuvième mystère : quelle est l’origine des incroyables aurores boréales sur Jupiter ?
Les aurores polaires sont le résultat d’intenses radiations et du champ magnétique de Jupiter. Lorsque cette magnétosphère s’aligne avec les particules chargées, elle a pour effet d’accélérer les électrons vers l’atmosphère à des niveaux élevés d’énergie.
Les chercheurs ont observé la signature de ces électrons accélérés vers l’atmosphère jovienne à des niveaux d’énergie atteignant les 400 000 électrons-volts (10 à 30 fois plus élevé à ce qui est connu sur Terre).
Il semblait que les aurores boréales soient causées par des électrons de haute énergie ne descendant pas mais montant dans l’atmosphère, ce qui serait inédit ! Les aurores polaires seraient alimentées par des particules chargées venues de l’intérieur de la planète.
Dixième mystère : quelle est l’explication du chant de Jupiter et des petits bips enregistrés ?
La NASA a mis en ligne le « son » produit par Jupiter et capté par Juno, symbolisant la densité de plasma de l’ionosphère de Jupiter.
Les données récoltées sont entourées de mystères: l’agence américaine n’arrive pas à comprendre le phénomène exact qui a provoqué les petits bips à la fin de cette séquence…
Au fur et à mesure de ses passages, Juno fait des découvertes qui révolutionnent notre compréhension du système jovien et de la formation du système solaire avec son lot de nouveaux mystères !