FRANCHIR LE RUBICON : origine et signification

La locution adverbiale « franchir le Rubicon » possÚde une force évocatrice importante. Elle est liée à un évÚnement historique majeur pour la destinée de César.

Sa signification

  • Faire un pas, un choix dĂ©cisif et irrĂ©versible.
  • Prendre une dĂ©cision irrĂ©vocable et en assumer toutes les consĂ©quences.
  • Prendre un parti hasardeux, dĂ©cisif et irrĂ©vocable.

Son origine

Petit fleuve cĂŽtier d’Italie centrale se jetant dans la mer Adriatique, le Rubicon sĂ©parait la Gaule cisalpine, province romaine, du territoire administrĂ© en direct par les magistrats romains (ville de Rome et pĂ©ninsule italienne).

La loi de Rome interdisait à quiconque de franchir ce fleuve avec une armée, sauf autorisation expresse du Sénat.

En 51 av.J.-C., la RĂ©publique romaine est au plus mal. Du premier triumvirat constituĂ© dix ans plus tĂŽt par CĂ©sar, PompĂ©e et Crassus pour mettre fin aux guerres civiles, Crassus a trouvĂ© la mort au combat en 53 av. J.-C. face aux Parthes et PompĂ©e a obtenu le titre de consul. Il bĂ©nĂ©ficie Ă  ce titre du soutien des sĂ©nateurs (parmi lesquels l’orateur CicĂ©ron).

Se faisant appeler «?princeps?» ou premier des citoyens, PompĂ©e n’ose pas intervenir avec ses troupes Ă  l’intĂ©rieur de Rome pour imposer ses volontĂ©s au SĂ©nat et mettre fin aux luttes de factions. La situation est diffĂ©rente pour CĂ©sar. Il a Ă©crasĂ© les Gaulois et conquis toute la Gaule, ce qui lui donne une forte lĂ©gitimitĂ©.

En 50 av. J.-C., PompĂ©e convainc le SĂ©nat de lancer un sĂ©natus-consulte contre CĂ©sar, enjoignant Ă  celui-ci de prendre congĂ© de son armĂ©e. CĂ©sar demande une prorogation de son commandement qui lui est refusĂ©e?; les PompĂ©iens invoquant le respect de la lĂ©galitĂ©, CĂ©sar mettant en avant la protection de sa dignitĂ© et la libertĂ© du peuple. Le conflit est en rĂ©alitĂ© une lutte de pouvoir entre CĂ©sar et PompĂ©e. Comme l’écrivit CicĂ©ron, quelle qu’en soit l’issue, il pensait qu’il en sortirait un pouvoir personnel et la fin de la RĂ©publique romaine.
AprĂšs d’ultimes nĂ©gociations infructueuses, CĂ©sar dĂ©cide 11 janvier 49 av. J.-C. de franchir le Rubicon avec une partie de son armĂ©e. Prenant une dĂ©cision irrĂ©versible, lourde de consĂ©quences et un gros risque, il prononcera la phrase cĂ©lĂšbre « Alea jacta est » (le sort en est jetĂ©). Violant la loi, il lance un dĂ©fi mortel au SĂ©nat qui dirige la RĂ©publique. Cette dĂ©cision marque le dĂ©but de l’épreuve de force avec PompĂ©e et ses soutiens.

Le 23 janvier, PompĂ©e et une partie du sĂ©nat s’enfuient en GrĂšce, laissant le trĂ©sor Ă  Rome, trouvĂ© par CĂ©sar et mis Ă  sa disposition. En mars, il fait voter une loi donnant la citoyennetĂ© romaine aux cisalpins, gagnant leur faveur et part ensuite en Espagne.

CĂ©sar soumettra l’Italie entiĂšre en moins de neuf semaines. Un an et demi aprĂšs avoir franchi le Rubicon, il vaincra PompĂ©e en GrĂšce Ă  la bataille de Pharsale.

Le franchement du Rubicon narré par Suétone

« Lorsqu’on eut annoncĂ© Ă  CĂ©sar que le droit d’intercession des tribuns avait Ă©tĂ© supprimĂ© et qu’ils Ă©taient sortis de la Ville, aussitĂŽt il envoya en secret des cohortes qui prirent les devants et, pour ne pas Ă©veiller de soupçon, il assista par dissimulation Ă  un spectacle public, examina le plan d’une Ă©cole de gladiateurs qu’il devait faire construire et se livra, selon sa coutume, au plaisir d’un festin. Puis, aprĂšs le coucher du soleil, il fit atteler Ă  un chariot des mulets pris au moulin le plus proche, et s’engagea avec une faible escorte dans le chemin le plus dĂ©tournĂ©. Les flambeaux s’étant Ă©teints, il s’égara et erra longtemps. Au point du jour, il trouva un guide, marcha Ă  pied par des sentiers extrĂȘmement Ă©troits et rejoignit ses cohortes au fleuve de Rubicon, qui Ă©tait la frontiĂšre de sa province. LĂ  il s’arrĂȘta quelques instants, et, supputant la grandeur de son entreprise, il se tourna vers ceux qui l’accompagnaient : ‘Maintenant encore, dit-il, nous pouvons revenir sur nos pas?; mais, si nous passons ce petit pont, le sort des armes dĂ©cidera de tout.’

Il balançait encore, lorsqu’il eut lieu le prodige suivant. Un homme d’une taille et d’une beautĂ© remarquables apparut soudain, assis tout prĂšs et jouant du chalumeau. Outre les bergers, un grand nombre de soldats des postes voisins Ă©tait accouru pour l’entendre, et, entre autres, des trompettes. Il saisit la trompette de l’un d’eux, s’élança d’un bond vers le fleuve, et sonnant une fanfare avec une force extraordinaire, il se dirigea vers l’autre rive.

Alors CĂ©sar : ‘Allons, dit-il, oĂč nous appellent les prodiges des dieux et l’iniquitĂ© de nos ennemis?! il faut jeter le dĂ©.’”

 SuĂ©tone, “les douze CĂ©sars : CĂ©sar”, XXXI et XXXII.

Ses Ă©quivalents en langues Ă©trangĂšres

allemand : den Rubikon ĂŒberschreiten / franchir le Rubicon
anglais : to cross/ to pass the Rubicon / franchir le Rubicon
espagnol : cruzar el Rubicon / franchir le Rubicon
italien : attraversare il Rubicone / traverser le Rubicon
flamand : de Rubicon oversteken / franchir le Rubicon
polonais : przekroczy? Rubikon / franchir le Rubicon
brésilien : atravessar o Rubicão / franchir le Rubicon
roumain : a trece Rubiconul / Franchir le Rubicon

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