Situé au nord de la Côte d’Argent, le bassin d’Arcachon, avec à proximité la dune du Pilat, est un des hauts lieux du littoral touristique français et de la production ostréicole nationale. Largement ouverte sur l’océan Atlantique par l’intermédiaire de ses différentes passes, cette «?petite mer intérieure?» doit faire face à une forte érosion naturelle amplifiée par le réchauffement climatique et une pression démographique importante.
Une formation relativement récente
Au néolithique, le fleuve de l’Eyre ou la Leyre se jetait directement dans la mer par un estuaire. Le niveau de l’eau était trop bas pour permettre la formation d’une lagune qui ne s’est développée qu’à l’époque gallo-romaine à partir de 400 av J.-C. L’apport de sédiments ralentît alors le débit de la Leyre, permettant la formation d’un vaste delta composé d’îles et de chenaux.C’est au Moyen-Âge que, sous la pression de l’eau et des vents, les sables s’agrégèrent et se déplacèrent vers le sud, formant ce qu’on appellera plus tard la presqu’île du Cap-Ferret.
De forme triangulaire, délimité par plus de 80 km de côtes plates ou dunaires boisées, le bassin reçoit de l’eau des lacs de Cazaux et de Lacanau, ainsi que des eaux de ruissellement. Il est alimenté en eau douce par la Leyre qui empêche l’obstruction par les sables venus de l’océan, arrivant par les «?passes?», un ensemble de chenaux de trois kilomètres de large permettant la circulation de l’eau entre le bassin et l’océan.
La force des courants de flux et de reflux rendent délicats les franchissements de ces passes, surtout aux marées de grands coefficients. Les passes suivent une évolution cyclique d’environ 80 ans : la Passe sud et la Passe nord se déplacent du Cap-Ferret vers la dune du Pilat. Quand la passe la plus au sud atteint la plage au pied de la dune, elle se rétrécit puis «?disparait?». Une nouvelle passe se forme vers le nord, du côté du Cap Ferret, transformant l’ancienne «?Passe nord?» en une nouvelle «?Passe sud?».
La marée fait pénétrer et sortir deux fois par jour des masses d’eau considérables. Des bancs de sable mobiles charriés par les courants marins en modifient sans cesse le tracé.
Des activités économiques liées à la mer
Au fil des siècles, l’homme s’est peu à peu approprié le Bassin et son environnement. C’est au XVIIIe siècle que sont conçus les marais salants modernes, notamment par le marquis de Civrac, bien que leur période faste remonte au Moyen-Âge, lorsque des marais plus rudimentaires occupaient une grande partie du Bassin.
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, pêcheurs, résiniers et bergers rythmaient la vie économique locale.
L’ostréiculture s’est développée au XIXe siècle avec la mise au point de la collecte de naissain sur tuile chaulée. Initialement, «?la gravette?», l’huître plate d’Arcachon était la variété commune du bassin. En 1920, décimée, elle fut remplacée par l’huître «portugaise?» qui à son tour disparut en 1970 victime d’une épizootie. Une huître «?japonaise?» lui succèda alors.
Le bassin d’Arcachon produit environ 18?000 t par an d’huitres sur près de 1?800 ha.
Sur le bassin d’Arcachon, quatre crus d’huitres existent correspondant à leurs situations géographiques d’élevage dans le bassin, le goût des huîtres étant fonction de la nourriture (plancton) prélevée dans le milieu naturel :
- les huîtres du banc d’Arguin ont une saveur sucrée, lactée et marine.
- les huîtres de l’île aux Oiseaux offrent un caractère puissant avec des arômes végétaux et minéraux.
- les huîtres du Cap-Ferret ont des arômes délicats de légumes frais et d’agrumes.
- les huîtres du Grand Banc ont des saveurs de fruits blancs et de noisettes grillées.
Le bassin d’Arcachon est le plus grand centre naisseur ostréicole européen (3 milliards de jeunes huîtres).
Il faut néanmoins noter depuis 2000 une baisse constante de la production ostréicole, un quart des exploitations ayant disparu. Le stock de coquillages est passé de 80?000 à 100?000 tonnes dans les années 1990 à 37?000 tonnes en 2012.
Du fait du réchauffement climatique, la période de reproduction s’allonge. Concentrée au mois de juillet et aout au siècle dernier, elle débute aujourd’hui en juin pour se terminer en septembre, passant de 7 à 14 semaines. La production de naissains a ainsi augmenté de 50% au XXIe siècle par rapport au XXe siècle. L’huître semble profiter du changement climatique, malgré la multiplication alarmante de pathogènes responsables de fortes mortalités durant la dernière décennie.
Sur le plan touristique, dès 1823, Legallais, l’un des premiers hôteliers d’Arcachon, rencontre un beau succès offrant de fortifier la santé de ses hôtes en prenant des bains de mer. Le véritable développement du tourisme va coïncider avec l’arrivée du chemin de fer en 1841. Grâce au train, Arcachon va devenir à la Belle Époque une station balnéaire à la mode.
Les frères Péreire y feront bâtir des villas sur le front de mer, des hôtels et le casino. Ils aménageront ensuite le quartier de la Ville d’hiver à l’abri du vent. Aujourd’hui, le Bassin accueille environ 250?000 touristes en haute saison.
Une pression démographique de plus en plus forte
Depuis les années 1980, la pression démographique s’est intensifiée autour du bassin d’Arcachon pour dépasser les 100?000 habitants dans les années 2000.
Ce territoire connaît les plus forts flux migratoires du littoral aquitain : à l’horizon 2030, la population du Bassin pourrait augmenter de 120?000 habitants (poursuite de la tendance actuelle).
Par voie de conséquence, le bassin d’Arcachon souffre depuis quelques années d’une pollution croissante de ses eaux imputable à :
- la densification de population (les eaux pluviales contaminées par le ruissellement sur des zones habitées et la voirie se déversent dans le bassin),
- la diffusion des engrais et pesticides des zones agricoles situées sur le bassin versant,
- l’activité nautique et notamment de plaisance.
Le changement climatique à l’échelle du bassin
Sur le bassin d’Arcachon, l’érosion marine naturelle est accélérée par le changement climatique.
La dune du Pilat, qui est la plus grande d’Europe, avance vers l’intérieur du pays, en raison de l’action combinée du vent et de la transgression marine, de 1 à 5m par an, au détriment de la forêt la bordant. La dune est attaquée par les vagues, et est sujette à l’érosion cependant elle se contente de reculer et ne peut pas être engloutie.
Les anciens blockhaus du «?Mur de l’Atlantique?», positionnés en haut des dunes à deux cents mètres de la mer lors de la Seconde Guerre mondiale, bien que n’ayant jamais réellement bougé, se retrouvent aujourd’hui «?les pieds dans l’eau?».
Quant à la pointe du Cap Ferret, belle langue de sable entre le Bassin d’Arcachon et l’océan Atlantique, elle recule de 1 à 18 m par an depuis 1977, surtout après les grandes marées d’équinoxe, en septembre et en juin.
Propriété du Conservatoire du littoral dans sa partie occidentale, l’ouest de la pointe est préservé de toute construction, sur une dune en cours de revégétalisation, fortement soumise à l’érosion. Le trait de côte y recule de 4 m par an et ce, malgré les perrés alignés sur la plage pour la protéger. Les scientifiques estiment que le recul global du trait de côte sur ce site pourrait être de l’ordre de 44 m en 2020 et 124 m en 2040.
La mairie du Cap Ferret a récemment interdit, sur demande de la préfecture de la Gironde, le cheminement entre la pointe et le restaurant chez Hortense, un des secteurs à risque à court terme, qui sans la détermination et les efforts de Benoit Bartherotte depuis 40 ans pour édifier une digue-jetée serait probablement englouti depuis.
Les polders et digues du bassin d’Arcachon sont fortement menacés à terme.
A la fin du siècle, les spécialistes vont jusqu’à prévoir une montée des eaux de 14 m dans le bassin d’Arcachon. Si leurs prévisions s’avéraient justes, beaucoup de maisons seraient sous les eaux, à l’instar de l’île aux Oiseaux d’une superficie actuellement de 300 à 3000 hectares selon les marées, refuge d’oiseaux migrateurs et de loups de mer (bars).
Les cartes ci-dessous permettent de visualiser l’évolution du bassin suivant le niveau d’augmentation du niveau d’eau (7 et 14 m).
L’une des principales conséquences du réchauffement climatique observé ces vingt-cinq dernières années est l’accélération de l’érosion des côtes débutée il y a seize mille ans, et la submersion marine des terres liée à l’élévation du niveau de la mer, qui pourraient avoir avant la fin du siècle de fortes répercussions sur le visage des côtes d’Aquitaine et en particulier du bassin d’Arcachon.
Citation sur Arcachon :
Le bassin d’Arcachon est à nulle autre pareil à la fois en perpétuel changement et à la permanente beauté.
Pierre Stolins