Aliment de base depuis des temps immémoriaux, le pain est un symbole fort de la gastronomie française. Depuis le début du XXe siècle, sa consommation n’a cessé de baisser : 600 g par personne par jour en 1900, 120 g aujourd’hui.
Depuis une dizaine d’années, ce repli s’amplifie : 10% de baisse pour les adultes et 28% pour les jeunes. Les artisans boulangers, qui pratiquent encore ce métier de façon artisanale, multiplient les initiatives pour enrayer ce déclin.
Quelles sont les raisons? de cette désaffection croissante ?
- l’évolution des modes de vie et des comportements alimentaires : la pratique du petit déjeuner est en recul, le déjeuner se fait à l’extérieur pour 3 actifs sur 4 et le diner avec moins de pain?;
- le développement des régimes sans gluten et des cuisines sans pain?;
- une dégradation de la qualité : le pain blanc industriel est souvent trop sucré, trop salé, trop riche en gluten et faible en vitamines et fibres?;
- la hausse du prix du pain : +25 % depuis dix ans pour la baguette.
De fait, la consommation de pain devient de moins en moins fonctionnelle et quantitative et de plus en plus hédoniste ou qualitative.
Il y a une demande croissante, bien que minoritaire, pour des produits sains, naturels, biologiques, respectueux de l’environnement, aux saveurs authentiques (goût, nutriment, fibres, pauvre en gluten).
Concernant le pain quotidien, les terminaux de cuisson, les chaines, les rayons pains des hypermarchés n’ont jamais été aussi puissants. Ils représentent plus de la moitié du pain vendu.
Les artisans boulangers réinventent le bon pain
Ayant abandonné le combat dans la viennoiserie et la pâtisserie, les boulangers font de la résistance dans le pain artisanal.
Certains artisans revisitent l’ensemble de la chaine de fabrication, utilisant :
- de l’eau de source?;
- des farines biologiques issues de semences paysannes et moulues artisanalement sur des meules de pierre ou dans des moulins artisanaux?;
- des levains «?maison?»?;
- un pétrissage, une fermentation et une cuisson à l’ancienne.
D’autres, véritables «?boulangers-chefs?», se lancent dans:
- la création de recettes originales («?pain signature?» au levain naturel, au foin, au thé vert, au charbon noir, à l’abricot…);
- l’utilisation de farines nouvelles (maïs grillé, quinoa, kamut) ou anciennes (sarrasin, épeautre…).
L’objectif est de proposer de nouveaux accords, des textures différentes et des arômes originaux.
Les boulangeries deviennent des lieux d’expérience consommateur
Capitalisant sur leurs atouts (image d’artisan, emplacement, clientèle fidèle…), les boulangers essaient d’améliorer l’expérience consommateur. Ils transforment leur point de vente en véritable lieu de vie adapté aux moments de consommation de la journée :
- le petit déjeuner (viennoiseries à emporter)?;
- l’en cas du matin (coin café avec viennoiseries)?;
- le déjeuner debout, au comptoir ou avec des places assises?;
- le gouter (espace détente)?;
- le diner (plats à emporter, traiteur).
Y sont proposés :
- des formules et des menus complets,
- des produits traiteurs qui peuvent être chauffés,
- des vitrines évolutives,
- des opérations spéciales fêtes,
- des services de livraison,
- du « click and collect ».
Ces évolutions sont nécessaires pour enrayer la chute de la consommation du pain.
Avec l’industrialisation croissante du pain, le risque est important que la boulangerie devienne à deux vitesses. L’une de haute qualité, artisanale, naturelle, hédoniste et ludique serait réservée à une minorité et l’autre, industrielle et de piètre qualité, au reste de la population.
À moins qu’une voie moyenne ne se dessine, les nouvelles générations étant soucieuses de consommer des produits bons pour la santé et l’environnement.