Grand massif forestier situé dans le sud-ouest de la France (Nouvelle-Aquitaine), la forêt des Landes est, avec une superficie d’un million d’hectares, la plus grande forêt artificielle d’Europe occidentale. Bordée par l’océan Atlantique, elle forme un vaste triangle couvrant trois départements (Gironde, Landes et Lot-et-Garonne), aux sommets matérialisés au nord par la pointe de Grave, Hossegor au sud et Nérac à l’est. Forêt emblématique de la transformation du paysage à grande échelle par l’homme, elle a permis de redynamiser la région au prix de nombreux efforts et sacrifices.
De l’Antiquité au milieu du XIXè siècle
Durant l’Antiquité, la forêt landaise primaire s’étendait sur près de 200 000 ha et était exploitée par les romains pour son bois et sa résine. Avec la chute de l’Empire romain et l’arrivée des peuples germaniques, la forêt fut laissée à l’abandon, et peu à peu défrichée sous la pression pastorale.
Du Moyen Âge au XVIe siècle, la zone se transforma en une succession de marécages insalubres où les moustiques et le paludisme se développèrent. En poussant le sable dans les terres, le vent océanique créa des dunes mobiles qui menacèrent les villages et entraînèrent la désertification de la région.
Au XVIIe siècle, Colbert, soucieux de développer la flotte commerciale et militaire, s’intéressa au bois (les pins étant des arbres très droits, parfaits pour les mats et les poutres), à la résine et à la poix pouvant être produits à partir des pins des Landes et fit créer de nombreuses manufactures ainsi que des routes terrestres et maritimes.
Au XVIIIe siècle, environ 250 000 hectares étaient boisés. Sous la menace permanente du sable et de l’eau, les hommes cherchèrent à arrêter la progression des dunes poussées par le vent et l’océan. Les frères Desbiey furent les précurseurs de la fixation des dunes, les immobilisant par des clayonnages maintenus par de petits piquets.
S’inspirant des travaux des frères Desbiey, Nicolas Brémontier fit ensemencer d’Arcachon au Pyla un premier cordon de sable côtier, en abritant les semis du vent d’ouest par des fagots placés parallèlement au rivage et d’une hauteur d’un mètre. La vallée située à l’arrière fut également ensemencée.
En juin 1788, Nicolas Brémontier affirma « pouvoir réussir à fixer la dune en continuant cet ouvrage ». De 1793 à 1801, il fit parvenir de nombreuses études à la préfecture, à l’académie des sciences naturelles de Bordeaux puis au gouvernement et sut convaincre les pouvoirs publics de la nécessité de cette entreprise considérable.
Depuis le milieu du XIXè siècle
En 1867, 90 000 ha de dunes furent boisés en pins maritimes, tandis que 3 000 ha de dunes littorales furent couvertes par la végétation dunaire. Mais, derrière ces dunes s’étendait toujours sur plus de 700 000 ha une vaste plaine inondée durant une grande partie de l’année et desséchée au cours de l’été : la lande est alors vue comme improductive et qualifiée de « colonie intérieure ou de « Sahara Français ».
Chambrelent, ingénieur des Ponts et Chaussées, ayant remarqué que la végétation se développait seulement là où les eaux s’écoulaient conclut qu’il fallait assurer la libre évacuation des eaux superficielles dès le printemps. Il fit l’acquisition en 1849 d’une surface de 500 ha de landes, sur laquelle il planta en appliquant ses principes d’écoulement des graines de pin maritime. Ce fut un succès, les semis se développèrent rapidement.
En 1855, la surface assainie et ensemencée atteignait 20 000 ha. Une opération d’ensemble nécessitait de convaincre les maires d’assécher les terrains communaux pour réaliser un réseau de grands canaux collecteurs bien tracés.
Lors de sa visite dans les Landes en 1855, l’Empereur Napoléon III fut enthousiasmé par les résultats de Chambrelent. Louis-Napoléon, qui n’était pas encore empereur des français, souhaitait poursuivre l’œuvre de son oncle qui, dès le début du XIXe siècle, avait initié le projet de fixation des dunes en Aquitaine. Assainir le plateau des Landes de Gascogne en serait le prolongement. Il décida d’acquérir personnellement un vaste territoire inculte de 7 400 ha pour l’assainir et le mettre en culture.
L’expérience s’avérant concluante, il décida de légiférer. Sous son impulsion, la loi du 19 juin 1857, appelée « loi relative à l’assainissement et à la mise en culture des Landes de Gascogne », imposa aux communes de grands travaux d’assainissement des marécages. Le but était de purifier la zone et de développer la sylviculture pour l’industrie, notamment le gemmage pour récupérer la sève des pins maritimes transformée en essence de térébenthine et en colophane.
Cette loi d’importance pour les habitants et la région fut précédée de plusieurs enquêtes menées par les Ponts et Chaussée afin d’organiser l’assèchement de la lande.
En 1853, les grands principes à respecter furent adoptés. La loi imposa aux communes propriétaires des terrains marécageux:
- de les assainir à leurs frais par drainage pour enlever l’eau superficielle et rendre le sable apte à la plantation,
- de les vendre aux enchères à des propriétaires privés, à raison d’un douzième chaque année ces derniers ayant à leur charge de rentabiliser les sols par la plantation. La loi n’obligeait pas à planter du pin. Les tentatives d’acclimatation d’essences étrangères échoueront.
Adoptée sans consulter les populations locales et signant la fin du système pastoral (le fameux berger landais sur ses échasses), le projet de plantation rencontra une vive opposition, les bergers incendiant les jeunes pins et les communes craignant une spoliation des terres par l’État.
Une fois entrée en vigueur, de nombreux spéculateurs firent l’acquisition des terres et des milliers d’arbres furent plantés jusqu’en 1914.
La grande majorité des parcelles de pins plantées entre 1857 et 1870 ne purent pas être exploitées pour leur résine avant la fin du XIXè siècle.
Les générations de boisement et la gestion de la forêt
Installées sans cohérence globale, les zones de pins étaient immenses, très denses, les arbres répartis de façon aléatoire.
Au milieu du XXe siècle, le feu dévasta la forêt landaise; le vent d’ouest provenant de l’océan, l’essence des arbres (résineux), la chaleur et la sécheresse du sous-bois étant des facteurs aggravants. L’incendie d’août 1949 consuma des milliers d’hectares entre Bordeaux et Arcachon et fit 82 victimes. En 1950, près de 50 % de la forêt disparut en fumée.
Aussitôt reboisée, la seconde génération de pins fut plantée différemment. Les reboisements rationalisées, les pins furent semés ou plantés en ligne et de grands pare-feux permettent d’éviter la propagation du feu d’une parcelle à l’autre et d’accéder au cœur des pièces de pins en cas d’incendie.
Leur largeur devait être supérieure à la longueur de deux pins couchés, de façon à ne pas transmettre les flammes en cas d’incendie. Des équipements spécifiques de lutte furent construits: tours d’observation, bassins de stockage d’eau, chemins, …
Le nombre d’incendies et leur gravité décrut considérablement depuis les dernières catastrophes des années 1950 et 1960.
Le gemmage disparut peu à peu, face à la concurrence des produits pétroliers se substituant à la colophane et à l’essence de térébenthine. La forêt landaise, gérée mécaniquement, ne génère plus qu’une fraction minime des emplois créés au XIXè siècle entraînant son dépeuplement progressif.
Dans les années 1970, certaines parties de la forêt furent déboisées pour faire place à des exploitations agricoles intensives (notamment pour la culture du maïs, grand consommateur d’eau).
En 1999, la tempête provoqua des dégâts considérables dans la forêt des Landes. En 2009, la tempête Klaus créa des chablis coûteux à résorber et propices à la propagation des incendies (60% des arbres furent touchés).
Des remise en cause de la sylviculture apparurent, certains propriétaires tentant de reconvertir leurs terrains (agriculture intensive, production d’énergie solaire…).
Aujourd’hui, la forêt des landes, à près de 80 % privée a une surface d’environ un million d’hectares, dont les 9/10 sont constitués de pins maritimes. Les forêt des vestiges du boisement post-glaciaire constituées de chênes, d’aulnes, se bouleau, se saule, se houx se trouvent au bord des cours d’eau, terrains particulièrement biens drainés.
Les questions liées à la monospécificité de la forêt landaise
Monospécifique, la forêt des Landes est fragile face aux aléas climatiques et aux risques de pullulation d’espèces invasives ou déprédatrices (champignons, insectes…). Judicieuse économiquement à court terme, son bilan écologique n’est pas optimal
Cette monoculture entraîne une « podzolisation » du sol (stérilisation de la couche arable du sol par le lessivage systématique des substances nutritives qui s’y trouvent). À une certaine profondeur, les substances emportées se concentrent et forment de l’alios, le sol y est dur et imperméable comme de la pierre.
Comparée aux autres types de forêts, celles composées uniquement de conifères ont une biodiversité très pauvre, car leur litière est toxique. Les résineux sont généralement des arbres pionniers. Dans la nature, la forêt de résineux offre un couvert qui permet, lorsque le climat est favorable, l’établissement de feuillus acidophiles dont la litière n’est pas toxique, ce qui attire une grande biodiversité. Pour restaurer ces sols, les feuillus sont incontournables, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les racines de 1ha de pins maritimes aspirent 45 t d’eau de la nappe phréatique par 24 h évapo-transpirée par la partie aérienne de l’arbre.
La disparition d’une partie de ces cultures forestières pourrait restaurer certaines zones humides et l’écosystème.
La forêt des Landes n’en demeure pas moins une incroyable oeuvre humaine de réimplantation forestière à l’impact écologique et éco-touristique majeur.
« Il est des pays dont la violence est maîtrisée par un décor en apparence pacifié, et que tourmentent pourtant, au hasard des colères de la nature, les catastrophes. Les Landes sont de cette famille-là, qui proposent au regard du passant les harmonies de leur paysage et, pour qui prendra le temps de regarder sous l’horizon, les décombres de leurs confrontations avec les humeurs du ciel. […] C’est cet ouvrage d’eau, de forêt, de silence et d’erratique humanité dont il sera question ici. Le parti prix est celui de la quiétude, pour l’esprit comme pour les yeux, à la recherche d’une vérité, d’un équilibre que seule la vision d’un peintre, avec ses approximations infiniment poétiques est capable de trouver. »
Alain Dubos