Sujet du film « Arrête-moi si tu peux » (2003) de Steven Spielberg, interprété par Léonardo di Caprio, Frank Abagnale Jr, imposteur de génie, fit partie dans les années 1960 des dix personnes les plus recherchées par le FBI. Son parcours adolescent d’usurpateur et d’escroc hors normes est devenu mémorable.
Né en avril 1948 dans le quartier du Bronx à New York d’une mère française et d’un père italo-américain, Frank Abagnale Junior est le troisième d’une famille de quatre enfants. Il a une enfance heureuse entouré de parents aimés et aimants.
À l’âge de 15 ans, pour financer sa vie amoureuse, il commet sa première fraude à la carte de crédit contre son propre père?! Suite à l’achat d’un véhicule, il persuade ce dernier de lui prêter sa carte de crédit Mobil (essence, services automobiles). Avec la complicité d’un employé, il achète des pièces détachées qu’il restitue contre de l’argent liquide. Après quelques semaines, la fraude est démasquée. Un agent de recouvrement de Mobil appelle directement son père pour obtenir le règlement de 14 pneus et 22 batteries achetés en 3 mois pour 3400 $ ! Il s’en tire avec de simples remontrances.
Âgé de 16 ans, un ami de son père vient le chercher à l’école et l’emmène au palais de Justice. Il apprend l’existence d’une procédure de divorce entre ses parents. Effondré, le juge lui demandant de choisir avec lequel de ses parents il souhaite vivre, il s’enfuit en larmes. Laissant son ancienne vie derrière lui, sans domicile, travail, ni diplôme, il se retrouve seul dans les rues de Manhattan.
Pour survivre, il décroche un emploi à 1,5 $ de l’heure. Croyant être discriminé du fait de son âge et paraissant plus âgé avec ses cheveux grisonnant prématurément et sa taille de 1 m 85, il falsifie son permis de conduire et se vieillit de dix ans.
Gagnant à peine plus grâce à ce stratagème, il se lance dans la fraude à petite échelle. Il ouvre différents comptes à son nom et établit des chèques de 25 à 50 $ sans provision. Cela ne dure qu’un temps, les banques en exigeant la couverture.
Un usurpateur et un faussaire hors pair
Il se lance alors dans l’usurpation d’identité et l’escroquerie à grande échelle. Il se fabrique de fausses pièces d’identité, imprime ses propres copies de chèques et demande aux banques d’avancer le fonds. Étant souvent refoulé, il fabrique des documents de dépôt de chèques portant le numéro de son propre compte qu’il glisse dans la pile des formulaires à la banque.
Sa première incursion dans un aéroport se traduit par le détournement de sommes d’argent remises habituellement par les compagnies aériennes ou les loueurs de voitures dans une boite aux lettres spéciale. Se faisant passer pour un vigile, après avoir marqué « en panne » sur la boite aux lettres, il récupère les enveloppes?!
La confection de faux chèques étant l’épine dorsale de son style de vie, leur encaissement à moindre risque devient sa préoccupation principale.
Ayant toujours voulu être pilote de ligne, il réalise le respect et l’admiration rattachés à cette fonction. Il se fabrique alors une nouvelle identité et se procure un uniforme de pilote aux frais de la compagnie Pan am.
Dans les semaines qui vont suivre, il va user de la pratique de « deadheading » permettant aux pilotes, quelle que soit leur compagnie, de monter gratuitement à bord d’avions d’autres compagnies aériennes (pratique aérienne conventionnelle permettant de répartir les pilotes dans le monde entier). Parfois, on lui propose de prendre le manche, il s’en sort en mettant le pilote automatique…
Entre 16 et 18 ans, selon la compagnie aérienne Pan Am, Frank Abagnale aurait parcouru gratuitement près de 1 000 000 kilomètres à bord de 250 vols, à travers 26 pays. Ses faux frais étant portés sur le compte de la compagnie, ce sont près de 2, 5 millions $ qui auraient été ainsi détournés…
Après quelques années, le FBI se lançant avec détermination à sa poursuite, il se voit obligé de monter des stratégies parallèles.
Il endosse ainsi l’identité d’un pédiatre dans un hôpital de Géorgie. Après s’être lié d’amitié avec un médecin qui vivait avec lui, il est nommé surveillant des internes, poste n’exigeant aucune tâche médicale. Moins à l’aise lorsqu’il s’agit de donner des recommandations médicales dans des cas d’urgence, il change rapidement de voie.
Il falsifie un diplôme de droit de l’université de Harvard pour passer l’examen du barreau qu’il aurait obtenu à la troisième tentative?! et décroche à 19 ans un emploi subalterne dans le cabinet du procureur général de Louisiane. Au bout de huit mois, un de ses collègues diplômé de Harvard devenant trop soupçonneux, Frank change à nouveau d’horizon.
La cavale et les évasions
À court d’options aux États-Unis, le FBI et la police étant à ses trousses, il part pour France, le pays de naissance de sa mère. Après avoir été reconnu par un employé d’Air France sur un avis de recherche, il est appréhendé une première fois en 1969. Douze des pays où il avait commis des délits réclament son extradition. Il purge 6 mois de prison en France avant d’être extradé en Suède, où il effectue 6 mois supplémentaires pour escroquerie et fraude.
Menacé à sa sortie d’une nouvelle incarcération en Italie, il s’évade au cours de son transfert en démontant les toilettes de l’avion pour atterrir sur le tarmac 3 mètres plus bas. Il gagne ensuite Montréal, récupère 20 000 dollars mis à l’abri dans une banque, mais, la cavale tourne court.
Il retourne derrière les barreaux en avril 1971. Son talent d’imposteur et son opportunisme vont alors trouver à s’exercer à différentes occasions. Le marshal chargé de l’escorter ayant oublié ses papiers, il se fait passer pour un inspecteur sous couverture et s’évade.
Quelques heures plus tard, reconnu par l’employé d’un motel de Washington, il échappe au piège tendu par le FBI en se faisant passer pour l’un de ses agents.
Sa cavale se termine au Brésil au bout de quelques semaines, où il est arrêté par deux policiers new-yorkais.
Le temps de la rédemption
En 1974, après cinq ans de prison, le gouvernement fédéral des États-Unis lui offre la liberté conditionnelle, qu’il accepte, en échange de sa collaboration pour combattre la fraude.
Il enchaîne les emplois, se faisant évincer lorsque ses employeurs découvrent son passé. Après avoir déballé son curriculum vitae de malfaiteur, il est finalement embauché comme consultant en sécurité dans une banque.
Il fonde quelques années plus tard Abagnale & Associates, une société de conseil et de détection des fraudes, qui va lui permettre de rembourser le montant de tous ses forfaits.
Revenu dans le droit chemin, Abagnale Jr, est devenu millionnaire et connaît la célébrité. Il continue de collaborer avec le FBI et vit à Tulsa avec sa femme et ses trois enfants.
Aller plus loin :
J’avais des ailes… mais je n’étais pas un ange, « Catch Me If You Can », biographie, Frank Abagnale Jr