ART BRUT : l’art des non-professionnels qui bouscule l’art officiel

L’art brut est de plus en plus recherché pour sa singularité, son inventivité et sa puissance émotionnelle.
De quoi s’agit-il ?
Jean Dubuffet le définit en 1945 comme un art simple et naturel, exécuté par des non- professionnels, ayant ni culture artistique ni prétention ou démarche culturelle.
C’est un art spontané, impulsif, laissant place à l’invention, aux techniques et aux matériaux non académiques.
Par nature inclassable, comment s’est-il constitué en courant artistique ?
Dans les années 1920, à la suite de Paul Klee ou d’André Breton, écrivain surréaliste en quête de créations mobilisant l’inconscient?, Jean Dubuffet commence à collecter ce qu’on appelait alors «?l’art des fous?».
Par la suite, il élargit le spectre de l’art brut à toutes les formes de création spontanée, qu’elles soient réalisées par des médiums, des marginaux, des prisonniers ou des exclus jusqu’aux… «?hommes et aux femmes du commun?» s’exprimant en dehors des circuits artistiques. 
Quelles en sont les principales caractéristiques ?
L’art brut est une expression vitale, intérieure, dépourvue de tout objectif culturel, de toute volonté de communication ou de commerce.
C’est un  » art non cultivé, sans artiste, surgi d’un don de la nature, dénué de toute relation avec le champ artistique ou de tout apprentissage?» selon Pierre Bourdieu dans son ouvrage les règles de l’art.
C’est un art qui dérange, qui émeut.
Souvent répétitif, complexe, voire obsédant, il rejoint la démarche de certains artistes qui explorent à l’infini la même problématique artistique.
À l’écart de l’histoire de l’art, c’est une forme d’art qui existe depuis la nuit des temps.
Non altéré par les normes de la vie adulte, le conditionnement culturel ou la conformation aux règles de l’art culturel, il est œuvre de création pure.
Renvoyant à la pulsion créatrice comme expression du mystère de l’existence, l’art brut touche le public au plus profond.
Comment cet art intime est-il devenu marchand ?
Jean Dubuffet pensait que l’art brut devait échapper au marché de l’art, car il existait de façon autonome et ses œuvres n’avaient rien à voir avec des biens culturels.
Dans les années 1970, son prolongement, l’Outsider art, défendu par la revue britannique «?Raw Vision?», mit en avant des créateurs marginaux et autodidactes qui concevaient leur œuvre dans la solitude et en dehors du milieu artistique.
Il connut un tel retentissement que de nombreux artistes rattachés à l’art brut virent leur valeur s’envoler et faire l’objet d’échanges spéculatifs…
L’art brut devint paradoxalement une des composantes les plus dynamiques du marché de l’art contemporain
Force est de constater que la légitimation de l’art brut par Jean Dubuffet, dont il s’est inspiré abondamment, a ouvert le marché de l’art à des non professionnels, à des artistes autodidactes créant avec leurs tripes et leur âme des oeuvres reflétant leurs tourments ou leurs pulsions intérieures.
Le caractère universel et profondément touchant de ces créations d’art brut ou  d' »outsider art », recevant un large plébiscite de la part du public, les curateurs et les institutions ne gagneraient-ils pas à s’ouvrir à ces expressions singulières revivifiant un art officiel sclérosé.

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