DEEP-TECH : la révolution technologique est en marche

Relever les défis majeurs du XXIe siècle (révolution numérique, transition énergétique…) nécessite des innovations radicales. La convergence de nombreuses technologies de plus en plus matures (intelligence artificielle, big data,…) pourrait être propice à de grandes avancées technologiques. 

Si la dernière décennie a fait la part belle à la low Tech, la deep Tech est seule à même de renforcer la compétitivité industrielle à long terme. Cela suppose un accompagnement étatique, financier et industriel adapté à son cycle long de gestation.

Qu’est-ce que la deep Tech??

Se basant sur les technologies existantes, la low Tech a trait à l’innovation de modèle économique ou d’usage.

La deep Tech, fondée sur des avancées scientifiques repoussant les frontières technologiques et difficiles à reproduire, correspond à l’innovation radicale. Elle apporte véritablement des solutions nouvelles (blockchain, machine learning, internet des objets…).

Loin d’être un effet de mode, la deep Tech est une lame de fond technologique qui a pour ambition de répondre aux enjeux du monde actuel.

A quelles types d’innovations peut conduire la deep Tech ?

  • La forme « la plus douce » est l’innovation incrémentale ou continue (amélioration d’un produit existant sans remise en cause) permettant à une entreprise établie de conforter ses parts de marché et d’améliorer son avantage concurrentiel sur une durée limitée.
  • Quant à l’innovation de rupture, elle rend possible une solution jusque là hors d’atteinte, un nouveau produit, un nouveau modèle économique et de nouveaux usages. Difficile à mener jusqu’à son terme, elle est rare et à l’origine de start up dominant de façon durable leur marché à l’échelle internationale (Google…).

Quelle est son empreinte actuelle dans le paysage des start up ?

En 2015, le fonds anglais Atomico a recensé 3500 start up issues de la deep Tech, leur nombre quintuplant tous les ans depuis 2011 en Europe et aux États-Unis.

Ces sociétés adressent aussi bien le développement durable, la transition énergétique, la santé, les infrastructures (transports, énergie) que les briques fondamentales nécessaires au fonctionnement d’autres systèmes (matériaux, intelligence artificielle)…

Leur essor pourrait s’avérer décisif en matière de réindustrialisation, de développement économique et de compétitivité internationale.

  • un accès difficile au financement :
    • Leurs besoins financiers sont très importants (de l’acquisition d’équipements scientifiques ou technologiques à la mise sur le marché).
    • S’il existe des financements d’amorçage (État, Deep Tech seed géré par la BPI, business angels…), ceux de développement (séries C et D de l’ordre de 10-15 millions € par investisseur) font défaut (peu de fonds généralistes). En France, 45 % des financements des startups de la deep Tech sont assurés par le secteur public, contre seulement 26 % aux États-Unis et 35 % dans le reste du monde. 
    • En effet, les cycles de la deep Tech (innovation-valorisation-marché) sont très longs (de l’ordre de dix à quinze ans) et ne garantissent pas de retours rapides sur investissement, de clients immédiats…
  • un écosystème de la recherche peu structuré : 
    • Même si la France est reconnue pour l’excellence de sa recherche académique, les centres de recherche sont éparpillés sur le territoire et ne sont pas en connexion étroite avec l’industrie, les marchés et les besoins utilisateurs. Adressant des besoins connus et non latents, ils conduisent généralement à des innovations incrémentales.
  • une collaboration insuffisante et teintée de méfiance avec les grands groupes :
    • Les start up sont méfiantes vis-à-vis des grands groupes qu’elles jugent structurellement et culturellement éloignés. Quant aux grands groupes, ils apprécient mal le timing des start up et les freins réglementaires à l’expérimentation.
    • Alors que les start-up sont en quête d’innovation de rupture, les grands groupes recherchent l’innovation incrémentale. Cela complique leur union autour d’objectifs communs.
  • Les start up sont pourtant en demande d’accompagnement, d’accès au marché, d’expertise technique, marketing et business, bien maîtrisés par les grands groupes. 
  • En France, peu de chercheurs deviennent chefs d’entreprise. La fuite des cerveaux des centres de recherche publics vers le secteur privé est très importante.
  • Suivant le degré de maturité des technologies qu’elles développent et le degré de maturité du marché sur lequel elles souhaitent opérer, les besoins des deep Tech et les attentes des grandes entreprises varient.
    • Quatre groupes de startups ont été identifiés par le BCG et le réseau deep Tech Hello Tomorrow :
    • les «?potential quick wins?» (15 %) : start-up ayant un produit prêt à être commercialisé et profitant d’un marché prêt à l’adopter?; 
    • les «?demand bets?» (10 %) : start-up ayant un produit prêt, mature, mais pas encore d’opportunité commerciale ;
    • les «?development bets?» (45 %) : start-up ayant identifié une opportunité dans un marché et développant une nouvelle technologie pour y répondre ;
    • les «?technology bets?» (30 %) : start-up ayant identifié une technologie d’avenir encore peu développée dans leur marché.

De fait, les objectifs de collaboration doivent être définis en fonction du degré de maturité des entreprises de la deep Tech, la co-création de valeur pouvant prendre la forme d’un partenariat de codéveloppement pour une jeune société ou  d’ordre commercial pour une startup plus avancée.

  • L’État français envisage d’ici deux ans la création d’une Agence européenne pour l’innovation de rupturesur le modèle de la Darpa américaine (à l’origine de l’Internet, l’ordinateur à interface graphique ou le GPS) et un fonds public pour l’innovation (200 à 300 millions € par an investis dans les start up).
  • La proposition d’un Centre français pour l’Intelligence artificielle, qui serait un lieu de rencontre entre chercheurs et industriels souhaitant lancer des projets communs, pourrait préfigurer un nouveau modèle de développement de l’innovation de ruptureUne équipe dédiée serait chargée d’identifier les opportunités « techno push » (technologies de rupture avec applications business identifiées) et « market pull » (besoins du marché et challenge technologique correspondant). Chaque opportunité majeure identifiée conduirait à la création d’une start up associant un entrepreneur en résidence, des ingénieurs et des chercheurs.

Une majorité d’investisseurs classent la France dans le Top 5 des destinations pour investir dans la deep Tech (atouts en intelligence artificielle, dans la biotech, la med Tech et les objets connectés).

À la condition qu’elle se dote d’un écosystème État-recherche-industrie ouvert, collaboratif et performant et de fonds d’investissement publics et privés puissants, la France peut devenir un pays leader dans la deep Tech. Elle en tirerait des bénéfices importants en termes de réindustrialisation, de compétitivité et d’emplois.

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