L’expression «?être fleur bleue?» vient du courant romantique allemand du XIXe siècle. Symbolisant l’amour absolu, la fleur bleue utilisée dans cette locution adverbiale a pris en français une tournure péjorative.
Sa signification
- Être très sentimental, naïvement romantique,
- Par extension : être naïf, rêveur.
Son origine
La « fleur bleue », traduite de l’allemand «?Die blaue Blume?», vient du roman Henri d’Ofterdingen écrit par le romantique allemand Novalis paru en 1811 en plein âge d’or du mouvement romantique.
Dans cette œuvre, Novalis, en réalité le baron Friedrich von Hardenberg, narre les aventures d’Henri d’Ofterdingen, un héros médiéval mythique, un troubadour du XIIIè siècle.?Lorsqu’il rêve, cet idéaliste voit apparaître une fleur bleue, symbole de la passion et de l’amour absolu qu’il porte à la belle Mathilde. Cette fleur bleue symbolise aussi le passage entre le monde réel et le monde spirituel ou l’union du rêve et du monde réel, un des objectifs du romantisme.
L’extrait en question :
«?Il [Henri] se trouvait sur un moelleux gazon, tout au bord d’une source qui sortait en plein air, et où ses eaux, apparemment, s’évanouissaient. Des roches d’un bleu sombre striées de veines multicolores se dressaient à une certaine distance : mais la lumière du jour était plus limpide et plus douce autour de lui que d’ordinaire, et le ciel, d’un azur presque noir, était parfaitement pur. Ce qui, pourtant, le fascinait avec la force irrésistible d’un charme tout-puissant, c’était, et ici-même, tout auprès de la source, une fleur élancée et d’un bleu lumineux qui l’effleurait de ses larges feuilles resplendissantes. Des fleurs sans nombre et de toutes les couleurs se pressaient autour d’elle, embaumant l’air du plus exquis parfum. Il ne voyait cependant que la seule fleur bleue, et longuement, avec une tendresse qu’on ne saurait dire, il attacha ses regards sur elle. À la fin, comme il voulait s’approcher d’elle, il la vit tout soudain qui bougeait et commençait à se transformer?; les feuilles se faisaient de plus en plus brillantes et venaient se coller contre la tige, qui elle-même grandissait?; la Fleur alors se pencha vers lui, et ses pétales épanouis se déployèrent en une large collerette bleue qui s’ouvrait délicatement sur les traits exquis d’un doux visage. Dans un étonnement émerveillé et délicieux qui ne cessait de croître, il suivait la métamorphose singulière, quand, brusquement, il fut réveillé par la voix de sa mère et se retrouva là, sous le toit paternel, dans la chambre commune où le soleil matinal, déjà, mettait son or.?»
Les Allemands parlent de «?die blaue blume der romantik?» ou de «?la fleur bleue du romantisme?».
Même si dans le langage des fleurs, le bleu pâle exprime une tendresse inavouée, discrète et idéale?; l’expression « être fleur bleue » a conservé en français la notion d’amour absolu, devenue une forme de naïveté et de sentimentalisme portés par le héros de Novalis.
Ses équivalents dans les langues étrangères
- allemand : blauäugig sein (= naiv sein) / être des yeux bleus (être naïf)
- espagnol : ser un sentimental-muy romántico / être fleur bleue
- italien : essere una mammoletta / être une petite violette
Réduite à une sentimentalité excessive mêlée de naïveté, l’expression « être fleur bleue » a pris un sens éloigné de celui d’amour absolu voulu par les écrivains romantiques allemands.
Il ne voyait cependant que la seule fleur bleue, et longuement, avec une tendresse qu’on ne saurait dire, il attacha ses regards sur elle.
Friedrich von Hardenberg