RENÉ CHAR : citations d’un des plus grands poètes français

René Char est un poète et résistant français né le à L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse) et mort à Paris le .

René Char est marqué par la mort de son père lorsqu’il a onze ans. En 1918, il est pensionnaire du lycée d’Avignon, puis étudiant à l’école de commerce de Marseille dès 1925. D’une stature imposante, il voue une passion pour le rugby. Il est attiré par la marginalité, fréquentant les « matinaux », ces vagabonds qui vivent au rythme des saisons. René Char est un lecteur assidu de Plutarque, François Villon ou des romantiques Nerval et Baudelaire.

En 1925, il publie « Cloches sur le coeur », son premier recueil de nouvelles puis « Arsenal »en 1929, un nouveau recueil de poèmes. Il devient ami avec Paul Éluard. En 1930, il se rend à Paris et tente l’expérience surréaliste avec Breton, Aragon et Picasso.
La Seconde Guerre mondiale éclatant, René Char entre dans la résistance. Ce partisan de la liberté continue à écrire des poèmes. Son oeuvre, qualifiée alors d’hermétique, s’inspire  de la réalité de la guerre. Le recueil, « Les feuillets d’Hypnos », est publié en 1946. La vie et l’oeuvre de René Char sont indissociables. Sa poésie, proche du silence, invite à la résistance et décrit la révolte du poète. Il invite ses lecteurs à entrer en résistance grâce à l’introspection.

René Char acquiert la reconnaissance de son vivant. En 1954, Camus estime qu’il est « le plus grand poète vivant et Fureur et mystère pour ce que la poésie française nous a donné de plus surprenant depuis Les Illuminations et Alcools […] Poète de la révolte et de la liberté, il n’a jamais accepté la complaisance, ni confondu, selon son expression, la révolte avec l’humeur […] Char est aussi le poète de nos lendemains. Il rassemble, quoique solitaire, et à l’admiration qu’il suscite se mêle cette grande chaleur fraternelle où les hommes portent leurs meilleurs fruits. ». Maurice Blanchot ne tarit pas d’éloge pour son oeuvre : « l’une des grandeurs de René Char, celle par laquelle il n’a pas d’égal en ce temps, c’est que sa poésie est révélation de la poésie, poésie de la poésie.  L’expression poétique est la poésie mise en face d’elle-même et rendue visible, dans son essence, à travers les mots qui la recherchent. »  Sur le plan formel, sa poésie trouve son expression privilégiée dans l’aphorisme, le vers aphoristique, le fragment, le poème en prose (ce que Char nomme sa parole en archipel).

René Char appartient à ces écrivains qui ont puisé certaines forces créatrices dans la peinture. Certains poèmes de Fureur et mystère et Le Nu perdu évoquent le lien entre stylistique et œuvre picturale.

A tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s’asseoir. La place demeure vide, mais le couvert reste mis.
Agir en primitif et prévoir en stratège.
Au plus fort de l’orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C’est l’oiseau inconnu, il chante avant de s’envoler.
Avec ceux que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence.
Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards, ni patience.
Comment la fin justifierait-elle les moyens ? Il n’y pas de fin, seulement des moyens à perpétuité.
Comment vivre sans inconnu devant soi ?
Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté.
Enfonce-toi dans l’inconnu qui creuse. Oblige-toi à tournoyer.
Il est des rencontres fertiles qui valent bien des aurores.
Il faut être l’homme de la pluie et l’enfant du beau temps.
Il faut souffler sur quelques lueurs pour faire de la bonne lumière.
Il n’y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l’accomplit.
Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique maladie de faire les noeuds.
Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.
Je ne puis être et ne veux vivre que dans l’espace et dans la liberté de mon amour.
L’acquiescement éclaire le visage. Le refus lui donne la beauté.
L’acte est vierge, même répété.
L’artiste doit se faire regretter déjà de son vivant !
L’éclair me dure. La poésie me volera de la mort.
L’esprit du château fort, c’est le pont-levis.
L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant.
L’éternité n’est guère plus longue que la vie.
L’homme est capable de faire ce qu’il est incapable d’imaginer.
L’homme fut sûrement le voeu le plus fou des ténèbres ; c’est pourquoi nous sommes ténébreux, envieux et fous sous le puissant soleil.
L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne.
La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil.
La parole dépourvue de sens annonce toujours un bouleversement prochain.
La parole soulève plus de terre que le fossoyeur ne le peut.
La poésie vit d’insomnie perpétuelle.
La seule signature au bas de la vie blanche, c’est la poésie qui la dessine.
La terre qui reçoit la graine est triste. La graine qui va tout risquer est heureuse.
Le fruit est aveugle. C’est l’arbre qui voit.
Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir.
Le poète meurt de l’inspiration comme le vieillard de la vieillesse. La mort est au poète ce que le point final est au manuscrit.
Le poète ne peut pas longtemps demeurer dans la stratosphère du verbe. Il doit se lover dans de nouvelles larmes et pousser plus avant dans son ordre.
Le réel quelquefois désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit.
Les femmes sont amoureuses et les hommes sont solitaires. Ils se volent mutuellement la solitude et l’amour.
Les larmes méprisent leur confident.
Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux.
Les routes qui ne disent pas le pays de leur destination, sont les routes aimées.
Les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri.
N’étant jamais définitivement modelé, l’homme est receleur de son contraire.
Ne t’attarde pas à l’ornière des résultats.
Ne te courbe que pour aimer. Si tu meurs, tu aimes encore.
Notre héritage n’est précédé d’aucun testament.
Nous commençons toujours notre vie sur un crépuscule admirable.
Nous n’appartenons à personne sinon au point d’or de cette lampe inconnue de nous, inaccessible à nous, qui tient éveillés le courage et le silence.
Nous sommes au futur. Voici demain qui règne aujourd’hui sur la terre.
Nous sommes écartelés entre l’avidité de connaître et le désespoir d’avoir connu. L’aiguillon ne renonce pas à sa cuisson et nous à notre espoir.
Ô vie, donne, s’il est temps encore, aux vivants un peu de ton bon sens subtil sans la vanité qui abuse, et par-dessous tout, peut-être, donne-leur la certitude que tu n’es pas aussi accidentelle et privée de remords qu’on le dit. Ce n’est pas la flèche qui est hideuse, c’est le croc.
On ne peut pas commencer un poème sans une parcelle d’erreur sur soi et sur le monde, sans une paille d’innocence aux premiers mots.
On ne se bat bien que pour les causes qu’on modèle soi-même et avec lesquelles on se brûle en s’identifiant.
Prend-on la vie autrement que par les épines ?
Prenez garde : tous ne sont pas dignes de la confidence.
S’il n’y avait pas l’étanchéité de l’ennui, le coeur s’arrêterait de battre.
Si l’homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d’être regardé.
Signe ce que tu éclaires, non ce que tu assombris.
Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t’es promis à toi seul. Là est ton contrat.
Tout ce qui nous aidera, plus tard, à nous dégager de nos déconvenues s’assemble autour de nos premiers pas.
Un homme sans défauts est comme une montagne sans crevasses. Il ne m’intéresse pas.
Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver.
 

Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir.

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